La mécanique des situations
Benjamin HOCHART
Vitrine – Exposition
avec le soutien des membres de l’association OÙ
du Conseil Régional PACA, du Conseil Général 13 et de la Ville de Marseille
La mécanique des situations est une exposition, mais c’est avant tout un livre. Seuls éléments à voir, une partie des documents utilisés pour l’écriture du livre sera présentée dans la vitrine de OÙ.
Ce livre est à considérer comme une tentative écrite de faire entrer le sculptural dans le texte. Il s’agissait au début de sa rédaction d’écrire des unités de mesures, de remplir une forme géométrique, des périmètres. De la même manière que mes sculptures ou dessins s’attachent à saisir le moment de l’apparition de la forme, ce livre est une tentative pour traquer l’apparition du sens, malgré tout (ou comment faire quelque chose avec n’importe quoi). Le télescopage formel de diverses sources d’écritures crée une narration qui s’impose de fait. Deux mots entrent en relation, et c’est suffisant pour que nos systèmes d’analyse – ou nos systèmes référentiels – commencent à créer une histoire, un roman, un conte ou un fait divers quelconque. Ce livre travaille du court-circuit, de l’interférence et du montage. Forme de l’abstraction, La mécanique des situations en devient pourtant immanquablement imprégnée de sens et de ressort fictionnel, dramatique et narratif.
Benjamin Hochart, novembre 2008
+ 00 33 6 77 76 98 27
benjamin.hochart@gmail.com
On ne rêve pas avec des mots mais avec des images
Fragment d’une conversation entre Pascal Beausse et Benjamin Hochart, Paris, le 22 février 2008.
Publié dans la revue Semaine no.10, bimestriel pour l’art contemporain, éd. Analogues, 2008
Pascal Beausse : Ta dernière exposition, au fort du Bruissin, est pleine de déclarations. Il y a une mise en forme de la complexité. Une canalisation du flux de la création. Il y aurait un point commun entre les dessins, sortes de cartographies et empreintes du travail de l’art, et les sculptures : la forme est la déduction d’un processus où tu as observé le devenir des matériaux à travers leur manipulation. Les dessins intitulés Dodécaphonies expriment ainsi une expansion centrifuge de la forme.
Benjamin Hochart : Ces dessins appartiennent en effet à l’une des catégories théoriques dans lesquelles je range les choses que je réalise : celle des processus-protocoles-procédés, subdivisée en sous-dossiers tels que contraintes, règles, codes. La contrainte me permet de faire un travail qui n’est pas le simple résultat d’un protocole de production mais une trace résiduelle de l’apparition de la forme. Dans ces Dodécaphonies, il y a un protocole de départ, qui consiste à dessiner selon une règle oulipienne, littéraire et musicale. Le dessin naît à la fois de cette règle précise et d’un geste spontané qui échappe à toute figure. Bien que j’essaye d’y inclure des petites idées de figure, de la même manière que sur une tapisserie de Alighiero Boetti on peut reconnaître certains objets. Et dans le même temps, ça reste des aplats de couleur. Il y a cette idée de la sensation. J’appelle cela un flou élégant et désinvolte, forcément échappé de l’inconscient. Cette règle à l’origine du dessin est une manière de faire quelque chose de précis, rigoureux, bien défini ; et puis finalement, le dessin va à l’opposé – et le mode de production se détache de la règle initiale.
Ce qui m’intéresse avant tout, c’est de questionner l’apparition de la forme. Finalement, ce n’est pas tant le sujet, ou le “message” qui m’intéresse mais le fait que cette forme posée devant nous serait le message, par elle-même, dans ce qu’il y aurait à voir. Ces Dodécaphonies découlent à la fois de la mise en œuvre de règles très précises et d’un geste spontané, ainsi que de l’utilisation de matériaux qui sont des fascinations de travail. Ces protocoles sont donc une manière pour moi d’utiliser des choses qui n’étaient pas présentes auparavant dans mon travail, où par exemple il n’y avait jamais de couleur. Ici, elle apparaît énormément. Mon travail devient processuel et pictural. La contrainte me permet d’utiliser des choses très exubérantes, qui m’éloignent du côté ascétique que pouvaient avoir mes travaux antérieurs. C’est donc une façon pour moi d’empêcher et de provoquer tout à la fois l’apparition du formalisme. C’est l’acte de dessiner qui fait naître la forme et engendre un formalisme. Il y a un pré-dessin, une structure mentale que je prépare pour introduire le dessin sans qu’il y ait de chose à représenter.
Pascal Beausse : Dans Table rase, faisons du passé, les chutes de la fabrication d’un ensemble de sculptures modulaires sont présentes non pas comme des témoins mais des constituantes mêmes d’une installation, en explicitant le passage du plan au volume qui s’opère dans la construction d’une sculpture. Puisque les étapes de la production de la forme sont explicites, ce type de discours est évacué et nous amène à autre chose : le “contenant” de ces coffres empilés…
Benjamin Hochart : Je considère cette pièce comme un moulage. Et c’est aussi un arrachage d’une matière première que j’ai dû réaliser. Au départ, il s’agissait de dessiner sur ces plaques des variations, très liées au son, d’une autre manière que les Dodécaphonies, mais plus proches de ce que pouvait être Broadway Boogie-Woogie de Mondrian, par exemple. Comme un document du monde. Le protocole consistait, en s’extrayant du dessin, à réussir à suffisamment évider ces plaques de manière à obtenir le maximum de petites surfaces me permettant de réaliser ces boîtes, qui deviennent des coffres par l’ajout de poignées, en évoquant le transport. J’aime suggérer l’idée que l’on puisse utiliser la pièce, s’en saisir. Il y a l’histoire d’une expérience, opposée à l’idée d’une explicitation mais qui serait plutôt de l’ordre du conte. Est-il initiatique ? En tout cas, il y a transmission : d’idée, de forme, de point de vue, de document, mais pas de message.
Pascal Beausse : Cela nous autorise-t-il à “lire” le caviardage du journal Le Monde comme une affirmation de cette volonté de pas transmettre de message ?
Benjamin Hochart : J’avais la volonté de montrer que transmettre un message est vain, mais que c’est la forme du message qui est intéressante. Toute notre information est très formatée. Pourquoi le journal télévisé a-t-il toujours la même durée ?
Pascal Beausse : Parce que c’est un spectacle du monde et pas une représentation du monde…
Benjamin Hochart : Il s’agissait pour moi d’effacer l’information, à partir d’un ras-le-bol personnel. Il y a une violence dans l’acte de sérigraphier ces journaux. C’était plus violent pour moi que de brûler Le Monde. Alors que brûler les livres, on sait où ça mène…
Pascal Beausse : Caviarder des journaux quotidiens, qui sont la trace d’une information déjà périmée, ne peut pas être assimilé à une censure. Il y a plutôt une agression ironique dans la répétition de ces “ZZZ…”, qui suggèrent la force d’hypnose de l’industrie informationnelle. Une rumeur du monde amplifiée.
Benjamin Hochart : Une fois de plus, dans cette exposition, il y a un son : le bruit d’un moustique qui persécute jusqu’au bout de la nuit et empêche de trouver le repos. C’est un bruit noir. On peut fermer les yeux et arrêter de voir des images (même si on rêve en images…), tandis qu’on ne peut pas fermer les oreilles. Donc, paradoxalement, j’amplifie cette rumeur du monde en l’effaçant. Plutôt qu’un bruit blanc, un bruit noir où le son est plein jusqu’à s’annuler. Puisque trop entendre, c’est ne plus entendre.
Pascal Beausse : Parlons de narration dans ton travail…
Benjamin Hochart : En intitulant l’exposition Tourner (au carré), j’invite à entrer dans un espace parcourable deux fois. J’ai envie que l’on s’approche de quelque chose qui serait de l’ordre de l’entropie. S’il n’y a pas de cartels dans cette exposition, bien que les titres soient très importants pour moi puisque c’est l’espace littéraire du travail, c’est parce que je voulais qu’il n’y ait pas de texte, pour faire en sorte que chaque pièce relève de la pure forme et soit une partie d’un paradigme de texte. Chacune des pièces renvoie à une autre, comme une partie. Sauf qu’on y entre sans introduction ni conclusion. On entre dans une chose entamée par le milieu.
Le conte est important pour moi, depuis longtemps, depuis l’enfance où il était présent dans un égrènement quotidien. Walter Benjamin a écrit un texte intitulé Le Narrateur, qui est aussi traduit Le Conteur. Cette idée d’expérience à l’encontre du message, à l’encontre de l’information, rejoint ce que Benjamin énonce sur la narration, qui est fondamentalement l’opposé de l’information, dans le sens où il y a expérience et transmission.
Pascal Beausse : Le conte n’est pas seulement voué à l’édification morale. C’est une initiation. Merci Monsieur Bettelheim. Le conte détient en programme une préparation à la complexité de la vie. L’idée que chacun contient en son for intérieur la part la plus belle et le plus odieuse aussi de l’humanité – en potentiel. Et c’est à chacun de choisir son chemin pour se construire. C’est l’image que tu nous proposes, il me semble : l’image du procesus d’une sculpture de soi.
Benjamin Hochart : Je crois que c’est ce que l’art essaie de toucher. Et c’est ce que je tente de dire dans ma sculpture, en utilisant un accident très personnel et en tentant de le rendre universel. Il y a pour moi quelque chose de très important : le principe d’amélioration du monde, auquel je crois fondamentalement. Cela part d’un principe d’amélioration à titre individuel. J’ai choisi la sculpture effectivement pour me sculpter moi-même. Pour apprendre. Tout est né de ce constat : je suis maladroit. Saisir quelque chose et le faire tomber. Vouloir prendre de l’encre et la renverser sur ma feuille. Être au monde de façon un peu bancale. Pour lutter contre ça, pour m’améliorer, non pas seulement pour moi mais aussi pour les autres, il fallait que je me saisisse de ce qui me semblait être le plus dur pour exister dans le monde. Et dans le monde de l’art, et dans l’art du monde. En tant que maladroit, c’était donc forcément de faire des objets qui tiennent dans le monde, qui ne s’écroulent pas, qui résistent. C’était donc la sculpture. Parce qu’au départ, il y a une position bancale.
Pascal Beausse : En t’écoutant dire ces choses essentielles, qui me réjouissent, je pense à une déclaration récente de Jimmie Durham, sous forme de dessin, avec un code-barre tracé volontairement de façon maladroite, en bas à gauche. Et le texte du dessin, inscrit au centre de la feuille est : « Humanity is not a completed project ». L’humanité est un projet inachevé. Il y a cette compréhension par l’artiste du fait que le processus d’humanisation est à poursuivre, à prolonger. Nous devons le prendre en charge tout en acceptant l’incomplétude. Mais en tentant malgré tout de viser à une amélioration. Non pas par la mise en route des fantasmes de la machinerie, de la quincaillerie technologique, de la biotechnologie, mais par la force de l’intelligence. C’est la force de l’art, qui va du sensible à l’idée : produire de l’intelligence à travers la forme.
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Prestations de l’Association OÙ
EXPOSITIONS, ÉDITIONS, WORKSHOPS, CONCERTS, PERFORMANCES, LECTURES, CONFÉRENCES, SPECTACLE VIVANT, DANSE, PROJECTIONS, CONVERSATIONS, DÉAMBULATIONS URBAINES, DESIGN, ARTS DE LA RUE, ETC…
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OÙ bureau – Permanence 152 rue Paradis 13006 Marseille, tous les jours sur rdv
T : 06 98 89 03 26
F : 04.91.81.64.34
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OÙ lieu d’exposition pour l’art actuel – 58 rue Jean de Bernardy 13001 Marseille. Horaires et jours d’ouverture jeudi-samedi _ 16h-19h, et plus selon les événements in situ. Espace d’expérimentation et d’exposition, de résidence atelier/logement.
OÙ Galerie Paradis – 7ème étg 152 rue Paradis 13006 Marseille. Ouvert tous les jours même le dimanche. Passez directement, sonnez à Association OÙ 1er étg, ou téléphonez au 06 98 89 03 26. Galerie privée non subventionnée.
OÙ et L’Aventure – Place des Cèdres 58 bis Boulevard Bouge 13013 Marseille Malpassé. Œuvres éphémères dans l’espace public, visibles 24/24, 7/7. Exposition dans l’espace public. M°Malpassé.
OÙ résidences d’artistes :
OÙ résidence Atlantique – 37 rue de la Semie 40130 Capbreton.
OÙ résidence Méditerranée – 58 rue Jean de Bernardy 13001 Marseille.
Espaces d’expérimentation, de résidence atelier/logement.
OÙ en tournée – Hotel Burrhus Supervues Vaison la Romaine (84), HLM (13), Galerie du 5ème Marseille (13), etc …
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Axelle Régine GALTIER
Présidente et responsable de la programmation artistique des espaces d’exposition OÙ
[<http://www.facebook.com/axelle.galtier?ref=tn_tnmn>]
Présidente et membre coresponsable des projets de l’association Perspective Trouble
[<http://www.verif.com/societe/ASSOCIATION-PERSPECTIVE-TROUBLE-794538447/>]
Trésorière et membre coresponsable des projets du réseau associatif Marseille expos [<http://www.marseilleexpos.com/>]
Présidente et membre actif de Take Off Production – Association des Arts du spectacle vivant
[<http://www.manageo.fr/fiche_info/508670429/36/take-off-production.html>]
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Plus d’informations
OÙ association loi 1901, expérimente trois espaces d’exposition à Marseille – OÙ lieu d’exposition pour l’art actuel dans le 1er arrd, OÙ et L’Aventure dans le 13ème et OÙ Galerie Paradis dans le 6ème – et deux lieux de Résidences d’artistes à Marseille et Capbreton.
Depuis le 1er mai 2000 l’association donne à voir le premier projet OÙ lieu d’exposition pour l’art actuel dans le quartier Palais Longchamp – la Friche 13001 – “Ceci n’est pas une galerie – Leslie Compan – Le lieu d’exposition de la rue Jean de Bernardy, semble paradoxalement se situer dans un territoire indéterminé qui serait peut-être celui de l’art contemporain. Aménageant les possibles, OÙ est un territoire où se déterminent simultanément les espaces de création et des temps de regards. Mais la quête d’une quatrième dimension, d’un espace-temps nouveau n’a rien de fictionnel. Ancré dans les réalités économiques et laborieuses de la création et de l’exposition, le lieu travaille à exploiter les contraintes. Renversant alors l’énoncé, OÙ interpelle : jusqu’où ces réalités peuvent-elles mener ? Lieu où les expositions se succèdent à un rythme effréné depuis l’an 2000, OÙ accroche et décroche des expositions individuelles ou collectives présentées pendant quatre semaines. Entre deux expositions ne s’écoule généralement pas plus d’un week-end. Mais ceci n’est pas non plus une machine : ce qui motive ce rythme relève davantage de la volonté de refléter le bouillonnement créateur des artistes, la dimension active de leur travail en tant que réalité trop souvent oubliée. OÙ est avant tout LE lieu où l’on produit pour expérimenter, pour engager une quête artistique parfois inattendue. Les expositions présentées provoquent avant tout la rencontre entre les productions formellement différentes et un large public. Sans titre, sans thématique qui orienterait la lecture du spectateur et surtout sans opposition, ce choix tient du démantèlement des systématismes généralement exploités par les commissaires d’exposition. Ici, les travaux artistiques sont présentés pour ce qu’ils sont et pour un potentiel qu’ils ne soupçonnent pas eux-mêmes. Subtilement poussés à dépasser leur démarche respective, les artistes présentent ainsi des oeuvres dévoilées dans leur simplicité et valorisées dans une force singulière. Pourtant, la cohérence et l’unité nous touchent ici au plus profond et de manière si naturelle que la formulation même de leur explication est difficile. Et c’est sans doute là que se situe l’abolition même des automatismes thématiques ou visuels du commun des expositions. Les accrochages sont envisagés contre la facilité et le conventionnalisme, tout en rendant naturellement sensible le travail même de celle ou celui qui l’a pensé.”
En 2013, le 11 mai, l’association développe le deuxième projet OÙ et L’Aventure 58 bis Boulevard Bouge dans le quartier Malpassé 13013 Marseille. Espace de diffusion artistique s’inscrivant dans l’espace public avec des expositions et des déambulations urbaines. Un rendez-vous qui mêle les arts de la rue et arts plastiques, est donné. Cet engagement est un moteur de régénération urbaine, musée à ciel ouvert en plein coeur des quartiers Malpassé 13ème jusqu’à Palais Longchamp – la Friche 1er. De quoi faire éclater le carcan des disciplines artistiques (ici, on n’imagine de formes que collaboratives, qui se fichent d’appartenir à un quelconque champ de la culture). Au commencement de cette propagation artistique, le point « OÙ et L’Aventure » à Malpassé 13013 Marseille, un volume de ciment, reste d’une oeuvre de Richard Baquié, l’Aventure, désormais détruite par manque d’entretien. Une dialectique le lie au terminus « OÙ lieu d’exposition pour l’art actuel » 13001 Marseille. Effectivement, tandis qu’à Malpassé l’espace et les murs extérieurs sont investis des interventions des artistes, le lieu d’exposition OÙ offre la visite d’une exposition dans l’espace et les murs intérieurs. Ces « murs » deviennent un creuset de « situations » et espace d’hospitalité. Les artistes participant aux projets invitent le visiteur à dialoguer, à inventer, à se déplacer, à produire, à tester.
Et c’est en novembre 2014 que l’association inaugure un troisième espace d’exposition OÙ Galerie Paradis. Le lieu est mis à disposition d’un commissaire artiste pour une durée de deux ans, qui lui ré-attribue un nom, un fonctionnement et une programmation spécifique de son choix. La galerie de 5,5m2, située 152 rue Paradis 6ème arrondissement dans le quartier chic de Marseille, avec une vue incroyable, est un espace intime et personnel dominant la ville, autre fois chambre de bonne. Cela veut dire qu’on ne peut pas tout montrer, cela veut dire qu’on optimise un lieu avec toutes les choses que l’on a apprises et expérimentées pour donner un sens certain, tout au moins voulu, ardemment souhaité, à des oeuvres qui n’auraient peut-être jamais été vues dans d’autres circonstances.
Partenaires : www.fidmarseille.org / www.esba-lemans.fr / www.actoral.org /
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