Le FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur et RLBQ s’associent pour présenter 2 pièces de Caroline Duchatelet dont l’installation est acquise par le FRAC en 2008.
RLBQ, un ancien appartement devenu lieu d’exposition. Son ancienne fonction est toujours présente, dans son approche, ses proportions architecturales, la découpe des espaces, les ouvertures.
Deuxième invitation, sept ans plus tard.
Y seront présentées deux pièces : une installation vidéo, est, 2007 et un film, jeudi 16 août, 2007.
Une petite pièce reste vide, ouverte sur le dehors, une grande terrasse, une rue au coeur de Marseille.
Le paysage arrive avec le désœuvrement, le pas savoir quoi faire. Fraîcheur d’air dans le dos. Il y en a autant derrière que devant. Sentir ce qu’on a dans le dos devant l’envers de la montagne, le sentir avec les yeux qu’on a au bout des doigts, à tâtons et haptique. Posée sur une pierre, la caméra respire. Pompages de diaphragmes. Dilatation. Respire avec le diaphragme. Les parois deviennent des membranes. Si la peau s’étend, recouvre, la caméra, elle, effeuille les strates, les décolle légèrement de l’avant-plan, couches superposées d’ombres où vivent quelques lueurs. Les nuages font le même travail que la caméra. Des couches glissent les unes sur les autres. Plus tard, l’outil numérique, en jouant sur les vitesses, favorisera cette pulsation entre apparition et disparition. De la peau à la feuille. Décoller à peine la surface pour faire sentir les dessous.
Une autre sorte de dilatation, c’est le silence. Une autre sorte d’épaisseur, c’est le temps. Une pesée du temps pris dans un laps nommé aurore et ne devant rien à l’épithète homérique. Par rapport à son environnement, le sculpteur cherche une mesure emmétrope, une équidistance entre l’espace et le temps liée à son échelle. Son aurore n’est pas couronnée de gloire mais elle transporte un suspens minimum à très basse tension. On ne peut pas faire autrement qu’associer l’aurore à une pensée du matin chère à Nietzsche et induisant une ferveur tue. L’aurore est poignante. On peut y voir un déchirement. Ici, dans cette vidéo, tout cela est contenu mais pas refroidi. Le titre en forme de date nous prévient de la légèreté de l’éphéméride, encore une feuille. Un jour parmi d’autres que l’attention rassemblée ne monte pas en épingle. Pourtant, le travail de la durée leste ce moment. La durée n’est pas un chiffre, c’est une insistance à rester, à demeurer. Ce qui fait que le temps ne s’évanouit pas dans la brume. Le meilleur cinéma, la meilleure vidéo, est celui où on sent le temps passer. Heureusement que les images ralentissent. C’est la sculpture de la durée en guise de montage qui opère la modulation, fait monter et descendre des vagues à l’unisson d’un nuage. Les temps des images mobiles et ceux de la conjugaison sont des leviers de vitesse ou des paliers qui, comme en avion, nous font ressentir les trous d’air. Paysage spasmé. Contempler, c’est descendre lentement dans toutes les sensations physiques qui font recoller le regard au corps. Et parmi ces sensations, les à-coups du cœur.
Frédéric Valabrègue
Extrait du texte de l’édition 2 pièces produite par le FRAC à l’occasion de l’exposition.