Du 14/05/2009 au 27/06/2009
Printemps de l’art contemporain 2009
Vernissage le 16 mai à partir de 18h30
Nocturne jusqu’à 22h
Le travail de Raphaël Boccanfuso ne peut se suffire d’une simple critique formaliste esthétique. Il la met en échec. Rien de nouveau au regard de l’histoire d’art qui comporte déjà une longue lignée de projets de ce type, écrite dans les manuels et autres essais. Mais contrairement à d’autres pratiques qui ont émergé au moment où le monde capitaliste fonctionnait autour de la production, celui de Raphaël Boccanfuso s’ancre dans ce que d’aucuns tel, Fredric Jameson nomme le capitalisme tardif à l’âge du post-modernisme où règne la communication et le capitalisme de service donnant à tout ce qu’il touche une valeur de produit, l’art devenant un produit de service comme un autre. C’est sur ce terrain et ses hors-champs qu’oeuvre Boccanfuso. Il se saisit des codes et du vocabulaire dans lequel nous sommes immergés afin de les mettre en abyme. Il fouille l’espace public, fantasme par excellence de notre temps, où les images de monuments publics sont associées à celle d’une image de marque, comme un logo, un pavillon témoin et son image,à moindre échelle, qui représente et permet de vendre le produit, la ville, le programme d’urbanisme, etc. Boccanfuso nous les présente floutées – leurs silhouettes restant toutefois reconnaissables. La concurrence est forte entre tous ces produits, villes et autres, qui doivent attirer les investissements, les capitaux et les touristes et qui jouent sur la construction de cette fabrication significative. La perméabilité est-elle possible ?
L’espace « public » est complètement blindé, fermé, sclérosé. L’artiste propose une porte de sortie, tout comme lorsqu’il est invité dans le centre d’art du Domaine du Dourven, dont la baie vitrée donne sur le littoral. Il en fait exploser le verre à coups de caillasses afin que l’on puisse enfin sentir l’air et écouter le bruit du ressac qu’occultait cette fausse transparence où le paysage demeurait, inodore et sans saveur, tel celui que peut suggérer une carte postale.
Ces deux projets montrent le voile que cherche à lever l’artiste tout en utilisant des modes inverses qui finissent paradoxalement par se rejoindre. Il nous distribue des cartes postales des monuments, rendus libres par le floutage, libres de droit, et rend à nos sens un paysage de carte postale. Boccanfuso chercherait-il à transformer les frontières en éléments poreux ou à nous redistribuer des droits que nous avons perdus sans nous en rendre compte par la force de l’habitude, sans y prendre garde. Par ses actions il tente de réveiller des réflexes mis en veilleuse. Il travaille l’image comme tous les artistes actuels, une image qu’il transforme à sa façon en miroir qui fonctionne en forme de vanités afin de créer un aveuglement qui puisse permettre un soupçon de suspens, le temps d’un éclair, d’une ou plusieurs respirations. Il endosse différents rôles, il s’engage dans des actions qui prennent différentes formes sur des durées plus ou moins courtes. Pour Marseille, Boccanfuso développe deux projets, l’un concernant l’espace de la galerie Buy-Sellf où il propose tout un dispositif recomposant sous plusieurs modes les couleurs du drapeau français, un « hymne » national visuel réinterprété par l’artiste, et pour celui de la Galerie du Tableau, il conçoit un ensemble de sérigraphies tenant de la technique de la carte à gratter et où viennent s’afficher, pour peu que l’on cherche, une iconographie issue du vocabulaire populaire (comme on dit), celui des tatouages, du monde du rock, etc.
Boccanfuso serait-il un Bad Boy ?
Lise Guéhenneux