Ce qui a une fonction a aussi une forme. Quand il s’agit d’édifices et d’habitations, la conciliation de l’utile à l’agréable relève de l’architecture. Les maquettes de Laurent Sfar empruntent aux conventions esthétiques et urbanistiques de l’architecture pavillonnaire des années 1970-80. Le recyclage par l’artiste des codes publics et privés de l’habitat individuel et de son environnement fait de ces modèles des prototypes d’utopie spatiale offerts à la manipulation mentale. Des jardins à hauteur de toit enterrent les voies de circulation, engloutissant l’espace privé dans un espace public totalement vide de construction. Deux murs opposés d’un pavillon pivotent vers l’extérieur pour projeter et amplifier son volume interne. Excroissance gigantesque d’un petit pavillon, un déambulatoire vitré expulse de la maison sa dimension sédentaire. L’interprétation est à géométrie variable, les situations variant de l’enfermement à l’éclatement ou à la disparition. Détournement de masses et renversements de surfaces affectent tant l’objet que son voisinage. Rendu impraticable, l’habitat devient l’accessoire d’un échange entre l’espace et la forme, où le plan d’un jardin se fait mur (Modèle Ile-de-France #8), ou une fenêtre scinde deux extérieurs (Modèle Ile-de-France #5). Dedans / dehors, public / privé : c’est avec la réversibilité de nos perceptions que joue Sfar, aisément manoeuvrable et opérable à l’échelle réduite de la maquette. Véritables articulations mentales, les architectures réformées des Modèles constituent des exercices de paramétrage entre intériorité et extériorité.
Nathalie Leleu