texte n°1
Mon travail photographique a débuté lors de mes études aux Beaux-Arts de Valenciennes. Mon regard s’est alors posé sur un territoire délimité : la banlieue de cette ville. J’ai abordé cet endroit de manière concentrique, faisant des cercles de plus en plus étroits autour d’un point central : la maison de mon enfance. A ce moment là je ne savais pas réellement pourquoi je revenais sans cesse dans ce lieu, à photographier le moindre mètre carré : maisons, rues, arbres, jardins, chemins… Je déambulais avec plaisir dans le paysage où j’avais passé mon enfance, à jouer dans ces jardins ouvriers.
En regardant mes photos je m’apercevais que ces images étaient déjà dans ma mémoire, elles devenaient alors l’empreinte de mon inconscient, le miroir de mes souvenirs. Je réalisais que je recherchais le souvenir, une part de moi-même, et que l’appareil photographique me montrait aussi une autre réalité. “Les photos remplissent les vides de nos images mentales du présent et du passé” Susan Sontag, Sur la photographie.
Ce travail sur ce paysage a été pour moi primordial et il est la base de ma pratique photographique.
Lorsque je suis parti à Paris, je traversais des espaces inconnus, urbains. Malgré cela les paysages des banlieues m’attiraient tout autant, j’y allais dans le but d’y retrouver quelque chose de familier, d’y ressentir une émotion, cherchant comme l’écrit Alain Cavalier “dans quel reflet du monde apercevoir mon visage” .
Je créais ainsi mon propre territoire, j’écrivais mon parcours en observant la cité, dans un rapport distancié face à la société.
Ensuite je me suis concentré sur mon environnement quotidien : paysages immédiats, objets familiers, famille et amis, en gardant toujours une approche documentaire, mais aussi poétique, et en essayant de percevoir les choses comme si c’était la première fois.
Ma première influence a été l’Objectivité Allemande d’August Sander, puis la Straight Photography américaine de Walker Evans et le mouvement des photographes voyageurs des années 70 : Stephen Shore, William Eggleston, Lee Friedlander…
Mon travail se nourrit de différentes inspirations : le cinéma, la littérature, l’art contemporain. La musique y a une grande place, car elle m’a toujours accompagnée, un peu comme une longue bande-son de film. Le titre “I’ll be your mirror” du Velvet Underground exprime ce jeu de reflet que la photographie porte en elle : renvoyant, en tant que document, au réel et en même temps au monde imaginaire de l’inconscient, du vécu et des représentations.
“I’ll be your mirror” m’évoque le miroir de la chambre noire, et aussi le fait que l’image photographique indique ma place dans le paysage : “une photo est à la fois une pseudo-présence et une marque de l’absence“,écrit Susan Sontag, dans son livre Sur la photographie.
Robert Adams pense qu’il y a un aspect subjectif dans l’art du paysage, quelque chose qui, dans l’image, nous dit autant sur la personne qui tient l’appareil que sur ce qui est devant l’objectif.
Cela a toujours été ma question face au paysage, que photographier? pourquoi? et comment le photographier?
“Une photographie n’est jamais une image de soi-même, mais un reflet de soi à travers les yeux d’un autre”. Roland Barthes.
Mes photographies sont une trace de mon passage, un réceptacle intime de sensations, d’émotions, de souvenirs fugaces et fragmentaires, à la manière d’un puzzle, d’un miroir déformant qui intensifie ou bien ignore certains détails en fonction de l’oeil qui le perçoit et le fixe.
La photo est comme une fenêtre sur le monde et elle indique aussi ma présence sans la montrer. Elle livre aux spectateurs cette image subjective montrant le réel perçu par l’oeil intérieur du photographe. Les images transportent alors le spectateur dans un voyage où les paysages défilent sous ses yeux.
texte n°2
Je me déplace aux abords des villes comme un non acteur de la ville efficiente, je parcours celle-ci pour y surimprimer mon propre réseau de circulation.
Je cherche à réaliser des images dans lesquelles le spectateur est comme un passager voyant les paysages défiler sous ses yeux.
Je perçois le paysage comme un réceptacle intime de sensations, d’émotions, de souvenirs fugaces et fragmentaires.
Ces images de lieux anonymes forment une cartographie imaginaire, elles sont les témoins de mes errances géographiques. Empreintes du réel, miroir de mon regard, elles me situent dans le paysage, sont une trace de mon passage.
“Rüdiger Vogler, le héros des films de Wim Wenders, fait souvent des polaroïds (ou des photomatons) dans le cours de ses désoeuvrements et de ses errances, comme pour doubler sa solitude d’une trace pour s’en détacher, et aussi pour accroître la distance qui le sépare du monde”.
Hervé Guibert, L’image fantôme.
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Olivier Rousseau
né en 1972
38, rue Blanchard Latour 33000 Bordeaux
Tél. : 06 87 02 16 14 / EMail : olivirousseau@yahoo.fr
EXPOSITIONS ET RÉSIDENCES
2009
Artiste en résidence, galerie Où, Marseille
2008
Paysages, exposition personnelle, librairie Mollat, Bordeaux
Commandes photographiques, Le Festin, magazine culturel en Aquitaine
2007
Exposition personnelle, m190, Villeneuve-sur-Lot.
2007
Human, exposition collective, galerie Concept Space, Shibukawa, Japon.
2006
Exposition personnelle, Galerie du Loup, Bordeaux.
2005
Exposition virtuelle, galerie Le bleu du ciel, Lyon.
2004
Artiste en résidence Cité Internationale des Arts, Paris
2002
Participation au festival de photographie Voix Off 2002, Arles.
1999/2001
Photographe des expositions de la galerie L’Aquarium, Valenciennes
1998/1999
Assistant du laboratoire photographique de l’Ecole des Beaux-Arts de Valenciennes
Commande photographique de la Mairie de Valenciennes
Architectures du XXè siècle : réalisation d’un portfolio des bâtiments représentatifs de la ville.
ETUDES
2001
Diplôme National Supérieur d’Arts Plastiques,
Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris.
2000
Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique, avec les félicitations du jury, Ecole des Beaux-Arts de Tourcoing.
1997
Diplôme National d’Arts et Techniques, Ecole des Beaux-Arts de Valenciennes.
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OLIVIER ROUSSEAU
Projet photographique sur Marseille et ses environs.
Je photographie depuis plusieurs années des paysages essentiellement urbains ainsi que mon environnement quotidien et mes proches.
Depuis 2000, j’ai travaillé sur les périphéries de Valenciennes et de Paris. Je souhaite approfondir cette recherche sur la ville de Marseille, deuxième métropole française.
Mon projet photographique sur la ville de Marseille consiste à éviter le centre de la ville, à montrer la ville en creux par ses espaces désertiques et arides.
Je souhaite renouveler mon approche photographique grâce à des plans larges qui englobent le plus de choses possibles en une photographie, en faire de véritables tableaux, et ainsi montrer des images en attente, comme une réponse silencieuse à Marseille, ville étouffante, grouillante et bruyante.
Les fois où je me suis rendu à Marseille j’ai été frappé par le contraste entre les déchets au sol le long des bords d’autoroute, les carrières jonchées de carcasses de voiture, de détritus ménagers… et la beauté des paysages environnants.
Je souhaite trouver une distance face à cette ville, afin d’en restituer les métamorphoses, les contradictions entre le pittoresque de certaines architectures et points de vue, les signes de l’intervention humaine : signalétiques et constructions anarchiques, déchets… et la nature impressionnante, majestueuse.
J’ai besoin d’observer en profondeur des paysages, qui semblent au premier regard muets, des espaces sans qualité, qu’on ne regarde pas, de parcourir la périphérie de la ville, ses espaces limitrophes, ses zones d’habitations, ses zones en friche…
Ma méthode consiste à tourner autour de la ville, la frôler, poser un regard autour des choses comme si je photographiais un vase opaque comme pour montrer la surface de l’émail sans jamais pouvoir entrer à l’intérieur. Attendre que les choses viennent à moi, attendre l’image latente, comme celle qui surgit lentement sur un tirage Polaroïd…
Marseille est cernée par des massifs montagneux qui sont comme une enveloppe protectrice pour la ville.
Je cherche à poser un regard romantique sur le paysage à la manière de Caspar David Friedrich mais sans pathos, dans les lumières douces et tranquilles de l’aube.
A travers mes photos je souhaite poser une réflexion sur l’évolution de ces lieux, à tisser des liens entre le cadre urbain, l’industrie, la nature et l’homme.
<> propos de Bernard Lamarche Vadel écrits dans l’ouvrage Fos, nature d’un lieu, 1997.