Exposition-Vitrine poésie
Le peigne-rose
Résidence du poète in situ (sous réserve)
Partenariat avec le poète Michaël Moretti
et les Éditions de l’Attente (Bordeaux)
Fred LÉAL, né en 1968, Frédéric Léal a fait ses études de médecine à Bordeaux. Il exerce la médecine générale dans le Sud-Ouest.
A commencé à publier des critiques littéraires rédigées sous une forme narrative (des « récits-critiques ») diffusés pour l’essentiel dans les revues Action Poétique et CCP, avec lesquelles il collabore régulièrement. A rédigé des articles notamment sur Arno Schmidt, Emmanuel Hocquard, Jean-François Bory, Hélène Bessette, Nathalie Quintane, Jean Frémon, Claude Royet-Journoud… Après plusieurs publications en revues (Général des Citram, Patin & Couffin, Java, Les Taches blanches, If, Ec/arts, Issue…), il collabore avec les éditions de l’Attente à Bordeaux et les éditions P.O.L à Paris.
Critiques : Sur Hélène Bessette (Action poétique n° 160-161, La revue littéraire n° 28), Marie Borel (CCP n° 7), Jean-François Bory (CCP n° 1 et n° 7, Java n° 23-24), Raymond Federman (CCP n° 4), Jean Frémon (CCP n° 1), Emmanuel Hocquard (CCP n° 3), Eric Houser (CCP n° 1), Elizabeth Jacquet (Les grands ours blancs, éditions de l’Attente, collection « Vade mecum »), Anne Parian (postface à = jonchée, éditions Les Petits Matins), Nathalie Quintane (Les tâches blanches n° 1, Action Poétique n° 157), Maurice Roche (CCP n° 15), Claude Royet-Journoud CCP n° 5), Arno Schmidt (CCP n° 2), Christophe Tarkos (CCP n° 0).
Bibliographie
Les Ouvrages :
Chez P.O.L
La porte verte (2008)
Un Trou sous la brèche (2006)
Let’s let’s go (2005)
Bleu note (2003)
Selva ! (2002)
Chez d’autres éditeurs
– Aux éditions de l’Attente : Le peigne-rose (2007), In terroir gâteau (2005), Le peigne-noir (2004). Mismatch (2002), Grèbe (2000).
– Thése de doctorat en Médecine : Pitres et Régis, Université Victor Segalen, Bordeaux, 2007.
– Récits publiés en revue : Le peigne-jaune (Revue IF n° 26, 2005) et Princesse Edulis (Revue Vacarme n° 32, 2005.
TEXTE DE PRESENTATION GENERALE
Frédéric LÉAL
Le peigne-rose – Aux éditions de l’Attente, (2007).
Expérience (Exercice) –
Organiser graphiquement sur une page l’espace de votre vie pour la rendre visible.
Au moment de faire l’exercice Le peigne-rose est tombé de ma trousse de toilette. J’ai reconstitué ce qui me tombait sous les yeux, d’abord en polices normales grasses, après en petites italiques maigres, en faisant d’un morceau choisi de page de Frédéric Léal un “tableau”.
Extrait de : Let’s let’s go, P.O.L, 2005
Les mains bandées bardées de bandes d’élastoplaste pour prévenir les fractures des métacarpes dont les têtes supportent l’essentiel des coups portés lorsque les coups sont bien portés / que dire de la gravité des chocs si les coups sont mal portés et que l’angle et la vitesse de frappe menacent d’un coup une faible zone peu adaptée à la violence des coups. Le bandage est posé par l’acteur lui-même ou son soignant (le « soigneur ») peu avant le combat. Plusieurs couches serrées sont nécessaires de façon à ce que la main ne fasse plus qu’un bloc solide avec le gant. Imaginez un gant qui serre trop ou qui trop lâche se désolidarise du membre au cours de la première reprise ! Imaginez le gaillard se plaindre maman j’ai mal mon gant me serre trop ou au contraire monsieur je sens la main qui bouge. Ces événements sont hautement improbables, comme le confirment d’innombrables anecdotes de chasse qui émaillent l’histoire de la boxe. La bande mise, deux ou trois gestes agressifs sont esquissés dans le vide avant que le coach n’intervienne : mets tes gants. Concentre-toi. Ton heure arrive. [pour votre gouverne, une bande hypoallergénique de 6 cm sur 2 m est suffisante] Tu n’es pas d’accord, saluant d’emblée la belle position de Christian, puis tu tournes à gauche.
Frédéric Léal : L’esprit de corps – Interview – Marie-Laure Picot – Le Matricule des Anges n°41.
S’inspirant de rites protocolaires de la Légion étrangère, Frédéric Léal signe un texte à tiroirs tumultueux et drôle. Où la phrase, fragmentée, détournée, « est l’animatrice en chef du récit ».
Présenté comme un premier roman de la rentrée littéraire, Selva! a quelque chose du vilain petit canard au milieu d’une portée très ordinaire. La différence fondamentale entre Selva! et un roman contemporain tient dans sa dynamique d’écriture. Entre la première page du livre et la dernière, nulle baisse de régime. On est propulsé illico presto à Kourou, dans la Légion étrangère. De Kourou, il sera d’ailleurs peu question car tout se joue autour d’une table. Les personnages sont des lieutenants, un président les interroge sur leurs campagnes, et un popotier, animateur de la soirée, se charge de leur distribuer des verres d’alcool. L’ambiance est tonitruante dans ce repas protocolaire, ponctuée de chants de troupe, de témoignages de légionnaires avinés et de lettres d’un certain Rod, ou Loyal, (Léal en espagnol) à ses proches qui viennent en contrepoint donner un autre ton au récit, celui de la distance critique.
Il va sans dire que Selva!, à la fois témoignage et fiction, se distingue par son sujet. Mais la réussite de ce roman à tiroirs est due essentiellement à sa structure et à sa forme. Le texte se présente décousu et étalé par fragments sur l’ensemble de la page. Les dialogues fusent et les nombreux récits de campagnes sont ponctués en gros caractères de l’injonction « Vos gueules là-dedans! » Véritable et réjouissant feu d’artifices. « La phrase », commente l’auteur « est l’animatrice en chef du récit, c’est elle qui donne le ton ». Brève rencontre avec Frédéric Léal dont l’exigeant projet d’écrivain est de « rompre avec le style journalistique consensuel qui règne aujourd’hui dans la littérature française ».
Si Selva! est un roman, ce roman se présente sous la forme d’une succession d’énoncés sans liens sémantiques directs. Le texte impose une reconstitution mentale à la lecture. Sans compter la profusion de personnages. C’est un beau bordel…
Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un bordel. Un fil narratif cadre le tout. Et malgré les apparences, c’est quasiment de la prose. Un narrateur s’y exprime à la première personne. Simplement, le présent du livre est détourné par les voix des autres. Le récit est en permanence dévié et repris. Je cherche à être efficace, à exprimer un état d’esprit, ce que ressent quelqu’un à un moment donné. J’ai essayé d’écrire ce livre d’une manière linéaire. J’entends linéaire comme a pu le faire Faulkner, par exemple. Mais j’ai été vite bloqué techniquement. On trouve un vrai moment en prose dans le livre, c’est le dialogue alcoolisé entre deux personnages. C’est à la rigueur le moment le plus cacophonique du roman.
Cette ambiance que vous avez cherché à restituer est celle d’un repas protocolaire dans la Légion étrangère. Les rituels que vous y décrivez sont inventés?
Pas du tout, ce sont des rites de cohésion dans des corps d’armées extrêmes très respectés. J’ai fait mon service militaire dans la Légion et je me suis inspiré de cette expérience. Cependant, toutes les anecdotes sont fausses. J’ai volontairement modifié les faits. L’ambiance est restituée. Ça se déroulait comme je le décris. On était informé un mois à l’avance de la date du repas et chacun savait ce qu’on allait lui reprocher ou pas. Un long repas de huit heures du soir au petit matin, suivi d’une sortie pour le lever des couleurs. Un parfait canevas pour un roman à tiroirs.
L’ambiance est on ne peut plus triviale. Serait-ce une dénonciation?
Oui, ce sont des rites d’aliénation et je les dénonce mais il ne s’agit pas d’un livre ethnologique. J’ai fait de ce sujet un roman. J’y dénonce aussi ma position complaisante. J’aurais pu éviter de partager ces rites, mais ça aurait consisté à changer d’affectation. Je me suis d’ailleurs parfois bien amusé dans ces repas. Cette dérive du personnage (Rod, Loyal, ndlr) m’a beaucoup intéressé. J’avais tout à fait conscience de la trivialité de mon sujet et je me suis demandé comment des gens pouvaient lire ça.
Votre livre draine une part de cynisme…
On trouve effectivement des scènes très dures, des souvenirs décrits qui évoquent des viols. Ce sont des gens qui font des exactions et qui les racontent à table. Selva! parle de mécanismes qui à mon avis ne touchent pas que la Légion. Il faut savoir que ces officiers sont des ingénieurs, des médecins. Ce sont des personnes qui subissent ces repas de cohésion réglementés et qui en subiront toute leur vie. C’est comme si je décrivais la guerre, mais la guerre en temps de paix.
Et en même temps c’est drôle…
Oui, mais peut-on rire de tout?
Que signifie Selva?
Le terme Selva signifie forêt. C’est ainsi qu’on trinque dans la Légion à Cayenne.
Selva! n’est pas votre premier livre. Vous avez publié des textes chez des éditeurs de poésie pour l’essentiel1. Et Selva! est un texte très visuel dans sa forme… Peut-on parler de choix esthétique?
Pour moi Selva! n’est pas un texte visuel. C’est encore une fois le problème du formalisme et de qu’est-ce que le formalisme? Je n’aime pas beaucoup la poésie visuelle. Parmi les auteurs dits visuels, je n’apprécie que Jean-François Bory, qui, à mon sens, n’écrit pas de la poésie visuelle. Malgré ma volonté, je ne peux renier cet aspect formaliste de mon livre. C’est mon autocritique. Les pages sont belles visuellement, mais le but est que ce formalisme aboutisse à de la prose.
Ce formalisme dont vous cherchez à vous éloigner a-t-il joué un rôle dans l’écriture de Selva!?
Oui, et s’il faut citer quelqu’un, je pense surtout à Maurice Roche que je ne vois pas comme un auteur visuel malgré la présence dans ses livres de schémas, de couleurs… Selva!, comme tous les livres est un exercice de lecture des autres livres. J’ai résolu de cette manière les problèmes que la prose me posait. C’est le sens de « chercher une phrase ». En fait je crois n’avoir jamais écrit véritablement de la poésie, comme Anne Portugal ou Pierre Alferi peuvent écrire de la poésie. J’aime ces auteurs parce qu’ils sont plus créatifs que les prosateurs. Quant à moi, mon projet pourrait se résumer à : comment raconter aujourd’hui une histoire avec des mots.
Selva! – Frédéric Léal – P.O.L