En présence de l’artiste le samedi 1er mai 2010 à 11 heures
avec le soutien de la Ville de Marseille, du Conseil Général 13, du Conseil Régional PACA et des membres de l’association OÙ
& en partenariat avec Didier Larnac, directeur de l’école d’art du Mans
Interview de Jean-Marie, sculpteur.
Jean-Marie Perdrix est au départ sculpteur, plasticien avec une spécialité de ferronnier. Il tient un stand au festival du vent sur l’espace « fête en l’air » où il présente son projet appelé « Yambaplast ». L’histoire est belle : un jour il a rencontré Ousmane Derme, bronzier au Burkina-Faso qui a initié un procédé de fonte de plastique pour en fabriquer de petits objets. Il a donc commencé par utiliser cette matière pour faire des sculptures avant de le travailler pour en faire un substitut du bois. Et depuis deux ans, en recyclant des déchets plastiques avec Ousmane et Salif Derme, il fabrique des objets utilitaires comme des piquets, des récipients, des panneaux, mais également des Djembe, instrument traditionnel africain. Ce procédé est surtout adapté aux économies informelles des pays du Sahel, les investissements pour transformer la matière étant très faibles. Aujourd’hui il est dans l’attente d’un bilan de développement durable.
« Je ne connaissais rien du festival du vent, c’est la première fois que je viens. Je savais juste que son créateur Serge Orru est la personne spécialiste de la bataille contre le sac en plastique en Corse. Donc je me suis dit qu’il y avait forcément une relation intéressante entre eux et moi : les déchets et les sacs plastiques. Et même si le problème entre la Corse et le Sahel est très différent, tout l’argumentaire sur les sacs plastiques en milieu marin je le retrouvais en milieu sahélien.
C’est assez drôle, j’ai une belle banderole ici qui ne parle pas de développement durable mais de « développable durement » parce que je me suis souvent rendu compte que le développement durable est devenu un enjeu marketing, de communication.
Nous on essaie d’initier une collecte pérenne des déchets plastiques. Il a fallu qu’on fixe un coût à la fois attractif pour les collecteurs mais qui nous permettent aussi de transformer la matière en substitut du bois. Parallèlement à ça il y a des structures, une église évangélique par exemple qui organise de grands événements de développements durables uniquement pour des histoires de communication interne. Ils offrent des T-shirt aux enfant pour les sensibiliser et qu’ils ramassent les sachets. Tant qu’ils étaient les seuls c’était très bien, aujourd’hui qu’on est là il faut absolument qu’ils arrêtent, il ne peut pas y avoir plusieurs collectes à des coûts différents sur la même commune par exemple. Surtout qu’après avoir ramassé les sachets, eux les brûlent. L’enfer est donc bel et bien pavé de bonnes intentions.
C’est pour expliquer tout cela que je suis là. Je suis quelqu’un d’assez solitaire et comme tous les sculpteurs dans une pratique assez isolée, mais face à l’importance d’un projet comme ça j’avais besoin de partager des expériences, de chercher des regards croisés. Je cherche évidemment aussi à développer et financer mon activité. Serge Orru est quelqu’un qui m’a poussé à me monter en association, à prendre contact avec les organismes, les gens ou les associations qu’il fallait.
Comme c’est un festival qui est instauré depuis longtemps et que des personnes reviennent constamment, j’ai eu un peu de mal à avoir l’information sur ce que j’allais trouver ici. En fait il faut découvrir seul et se débrouiller. C’est vrai que les gens ont plus tendance à parler de ce que l’on vit ici et moins de ce que l’on y trouve. Et en finalité j’avoue avoir rencontré des gens sympathiques, d’autres associations aussi comme les forestiers sans frontières. Je reviendrai si on m’y invite, assurément ! »
Le projet de l’exposition se construit autour de La puissance de la fusion.
Jean-Marie Perdrix, né en 1966 à Bourg-en-Bresse, est diplômé de l’École des arts décoratifs de Strasbourg (1989), et a été élève de l’Institut des hautes études en arts plastiques de Paris (1990).
Il vit et travaille principalement à Paris, mais ses recherches dans le domaine de la fonderie le conduisent dans des ateliers ou usines de nombreux pays (de la Géorgie à l’Afrique équatoriale) pour y expérimenter diverses modalités de production tant techniques que culturelles.
Mon travail s’appuie sur le processus de moulage de la fonte, ou plutôt sur les tensions et les contradictions éprouvées physiquement, entre l’énoncé, le processus et son résultat.
Par principe, mon travail de fonderie est terminé lorsqu’il est froid. La pièce se montre telle quelle, démoulée, posée.
J’ai abordé la sculpture d’une façon décisive avec les » formes insaisissables « . Chaque modèle est tel que j’ai la force de le soulever.
Ses dimensions sont comprises dans l’écartement des deux mains, mais posé au sol, il n’offre aucune prise.
La fonte s’est imposée comme le matériau le plus adapté à mon idée par sa facilité de moulage et sa densité familière.
Elle restitue l’impact de la coulée, comme une photographie restitue son exposition à la lumière.
Pourtant, ma sculpture est difficile à photographier, car c’est la masse elle-même qui fige l’instant de la fusion dans sa forme.
C’est le cas pour la » Gravité anesthésiée » réalisée en 1997 au Combinat métallurgique de Rustavi (Géorgie), puis installée dans un parc au centre de Tbilissi.
L’économie de la volumétrie est contrariée et exacerbée par la sensation de masse éprouvée par le corps (principe d’encombrement).
La fonderie est le premier espace d’exposition.
J’ai l’expérience des fonderies en Alsace, en Russie, en Corée du Sud, en Yougoslavie et en Géorgie. Chaque fois, j’ai dû investir des situations sociales, politiques, économiques, culturelles très différentes.
Chaque fois, il a été pour moi déterminant d’impliquer dans l’objet les acteurs de sa production.
J’ai trouvé dans la fonderie à la fois un espace fantastique et un processus simple et efficace pour actualiser une puissance et produire un rapport humain.
Sarkis ; Inclinaison
Né à Istanbul dans une famille arménienne, Sarkis vit et travaille à Paris depuis 1964. La mémoire, l’interprétation, la transmission sont au coeur de son oeuvre. Ses installations confrontent, dans un dialogue avec le temps et l’espace, des objets aux provenances hétéroclites, oeuvres d’art, artefacts, découverts au hasard de rencontres et chargés d’histoire. Elles embrassent peinture, sculpture, film, son, musique. Conçues en fonction d’un site spécifique, et néanmoins autonomes, elles proposent une mise en place scénique de ces éléments.
À l’occasion de sa rencontre avec le musée Bourdelle (26 janvier – 3 juin 2007) Sarkis présente dans les espaces qu’il a choisi d’investir un ensemble d’oeuvres inédites. Sarkis renonce cette fois aux objets de son » trésor » constitué et s’approprie les salles et les oeuvres de Bourdelle, selon différents modes, en contrepoint de l’oeuvre du sculpteur. Comme il aime le faire, Sarkis invite à ses côtés deux jeunes artistes, Patrick Neu et Jean-Marie Perdrix.
L’artiste a conçu pour le Hall des plâtres une installation dans l’espace, Inclinaison. Très spectaculaire, cette oeuvre prend en compte le lieu dans sa globalité et aborde, notamment par une interrogation sur l’échelle, à l’aune du Centaure mourant (1914), figure récurrente dans l’oeuvre de Bourdelle, la problématique de la sculpture.
Un film inédit, Au commencement, la lumière, de 6′ réalisé en 2003 est projeté dans la salle adjacente. En écho discret à l’atelier de son hôte, ce film évoque l’atelier de Sarkis et montre en négatif couleur les objets comme délivrés de leur pesanteur.
Les quatre salles en enfilade situées au coeur du musée abritent une oeuvre conjuguant sculpture et peinture, 41 bombes d’aquarelles et leurs sucriers ; sur quatre tables de bois sont posés quarante et un bocaux de cinq litres remplis chacun d’aquarelle pure de couleur différente, et quarante et un sucriers en porcelaine de Limoges dont les couvercles sont placés à proximité. Chacun de ces sucriers présente le résidu séché d’une infime touche de pigment déposée dans l’eau à l’aide du pinceau.
La salle de l’extension accueille un environnement sonore, La Vallée des Cloches (Miroirs, N°5), pièce pour piano de Maurice Ravel. Sarkis sollicite également l’odorat : le visiteur évolue dans les effluves d’un parfum que dispense Pénélope (1912) de Bourdelle.
Jean-Marie Perdrix et Patrick Neu
Jean-Marie Perdrix s’inspire de la technique ancestrale de la fonte.
Il présente dans l’ancien appartement de Bourdelle des yaba (répliques de figures totémiques), djembé, piquets, issus de moulages de ces objets.
Fabriqués dans une pâte provenant du recyclage de sacs plastiques récupérés en Afrique – procédé mis au point avec le concours d’un artisan du Burkina Faso – ces travaux témoignent du contexte réel de leur production en même temps que d’un élargissement de l’activité artistique de l’artiste.
Dans la salle jouxtant l’atelier de Bourdelle, Patrick Neu présente un ensemble de verres à pied en cristal. Les dessins exécutés au noir de fumée sur la paroi interne de ces pièces, sans possibilité de repentir, reproduisent en réserve les miniatures d’images de référence de l’histoire de la peinture telles que L’Enlèvement des Sabines de David, La Montée au calvaire de Bosch, Héraklès archer de Bourdelle…
Texte de Jean-Philippe Antoine, Musée Bourdelle