Si le titre de l’exposition de Valère Costes « Dumping Nature » suggère une unité, ce sont en fait deux idées de la nature qui sous-tendent son univers artistique. En premier lieu, comme une évidence, apparaît la nature héritée de la philosophie antique et moderne, traditionnellement opposée à la culture. Celle-ci nous amène à entretenir des rapports distendus avec le réel, éloignement accentué par de nombreux médiateurs : vulgarisation scientifique, presse écrite… Ce décalage considérable entre ce que l’on croit connaître et ce qui nous entoure pousse Valère Costes à effectuer en 2007 un premier séjour en forêt tropicale. L’immersion prolongée dans un territoire vierge de toute influence humaine est alors envisagée comme une méthode radicale pour jauger ces écarts.
De ces recherches naîtront entre autres les dispositifs exposés à la galerieofmarseille. Cinq de ces dispositifs intègrent le mouvement. Ils se partagent l’espace de la galerie et sont complétés par un ensemble d’herbiers et de photographies, témoignage de l’empreinte sur la nature du conflit vietnamien entre communistes et américains, Les Agents Oranges. Les pièces s’articulent autour de notions évoquant les voyages de l’artiste : ici, le chaos, l’aléatoire et le déplacement se rapportent aux conditions matérielles ; la collecte convoque la démarche scientifique et la mémoire ; le mythe, récit des origines, mêle manifestations naturelles et activités des hommes.
Les oeuvres, constructions hybrides partagées entre faune, flore et robotique permettent le questionnement de la nature.
Clouding process poétise, à l’aide d’un peu d’eau et d’un fer à souder, le phénomène de formation des nuages et mime le hasard des chutes de branches, dangers imprévisibles de la forêt équatoriale.
Tortue et ses mouvements accomplis avec peine rappellent certains comportements humains ou animaux. Dans le dispositif Narcisse, le personnage mythique se mécanise et cherche à atteindre une surface qui fuit sans cesse. Le va-et-vient régulier des tiges de La table des vents devient chaotique, à mesure de leurs interactions. Les balancements houleux de Rodeo rappellent le haut-le-cœur qui saisit le voyageur en sortant de la forêt, quand la ligne d’horizon apparaît.
Mais de la Nature, il ne reste qu’une parodie et l’artifice persiste sous la forme d’un bricolage expérimental, très éloignés des compétences et du savoir humain actuel. Une deuxième idée de la Nature émerge alors, telle que l’a théorisée Clément Rosset, selon laquelle « l’idée de nature ne serait qu’une erreur et un fantasme idéologique ». A l’image des oeuvres de Valère Costes, l’enchevêtrement de ces deux notions crée une nouvelle entité, dans laquelle nature et culture s’additionnent et se confondent, brouillant les codes philosophiques traditionnels. On en revient alors au titre de l’exposition, voulu par l’artiste. A la manière du dumping commercial, synonyme d’abandon d’une convention, le « dumping nature » de Valère Costes nous incite à renoncer à l’idée même de nature.