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  • Perrine Lacroix
  • Terrain vague, Perrine Lacroix
  • Perrine Lacroix

    Etais, gravats, armatures métalliques, béton sont autant de termes empruntés au vocabulaire de la construction, autant de matériaux qui trouvent également grâce dans les œuvres de Perrine Lacroix, quand bien même ils ne serviraient qu’à construire des leurres, des Châteaux en Espagne. C’est d’ailleurs le titre d’une série de photographies amorcée en Crète en 2004 et poursuivie aux Cyclades et en Algérie en 2009. L’artiste photographie des carcasses de bâtiments laissées à l’abandon et qui semblent suspendues dans le temps. Ces ruines issues d’un passé proche parsèment le paysage contemporain. Mais point de sacralisation de la ruine, point de nouvelle Eldena[1] à chercher dans le recensement de ces formes profanes appartenant à l’habitat. Des ouvertures dans le bâtiment laissent parfois entrevoir au spectateur le paysage azuré par delà cette barrière visuelle (Château en Espagne, Crète 2004 ou Iles des Cyclades, 2009) et, par ricochet, l’envers du décor né de revirements économiques ; si bien que tout édénique qu’il soit, le paysage n’apparaît jamais comme tel dans l’image. Dépourvues de leur fonction, ces structures vides sont autant de sculptures flanquées dans un paysage où les ravages économiques mettent à mal tout grandiose.

    Semi-s, l’installation in situ que Perrine Lacroix a conçue au Centre d’Art de Chelles oscille à son tour entre émergence et disparition : la maquette d’une maison en construction semble paradoxalement s’enfoncer dans le sol, comme le montrent les ouvertures des portes trop petites pour pouvoir passer. Les murs se prolongent à l’extérieur du bâtiment par un simple tracé à la poudre de béton, évoquant aussi bien la fouille archéologique que le dessin préparatoire à une construction.  Le mur du bâtiment fonctionne étrangement comme un miroir déformant entre intérieur et extérieur.

    On décèle ainsi dans les œuvres de Perrine Lacroix la coexistence d’une chose et de son contraire, ainsi que la récurrence du motif du double comme le montrent deux autres œuvres réalisées au cours de sa résidence aux Cressonnières à Chelles en 2009, une cité qui s’apprêtait à être détruite.  Pour Mon-t, elle transporte à l’intérieur d’un appartement un tas de terre provenant du chantier à l’extérieur du bâtiment. Ce tas émerge d’un côté et de l’autre d’une cloison murale. Si les Earthworks de Walter de Maria résonnent dans cet espace domestique reconverti in extremis en white cube involontaire, au-delà de cet écho historique, le visiteur est confronté à une situation spatio-temporelle double. Depuis la fenêtre de l’appartement, il aperçoit d’autres monticules de terre liés au terrassement. La transposition d’un monticule à l’intérieur de l’appartement opère un déplacement : elle vient rappeler un état transitoire et annonce la disparition imminente. Dans In-t, une forêt d’étais envahit un appartement du sol au plafond. L’usage d’un étai en maçonnerie est provisoire. En multipliant son emploi, l’artiste signale une tension, une tentative de ralentissement de l’effondrement à son tour imminent.

    Par une stratégie de déplacement et de détournement d’objets usuels, Perrine Lacroix évoque un état transitoire et suspendu dans le temps où les terrains vagues deviennent la métaphore de cette indétermination entre passé inachevé et avenir incertain.

    Audrey Illouz

    [1] Les ruines d’Eldena ont inspiré le peintre romantique Caspar David Friedrich dans un tableau éponyme Les ruines d’Eldena (1825) notamment

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