Une exposition proposée par Les Ateliers de l’Imge, en partenariat avec l’Institut Français (Culture France),
Photo Art Centrum (Košice/Slovaquie), et avec le soutien de l’Association de l´intelligence ruthene en Slovaquie.
» Le soir, une fois la lumière éteinte, j´entends la voix de ma mère: « Aide-moi, Dieu, à me lever matin… ». Je réponds accoutumée : « … et à travailler joyeusement ». Et, c´est juste après avoir accroché sa clé sur la face intérieure de la porte, après avoir fermé sa petite maison et aspiré l’air de la nuit d´été, que je ressens une chaleur humaine dans ma poitrine. Et à l´intérieur de la maison je perçois son soupir : « La vieillesse est déplaisante, ma fille… ».
J´ai commencé à documenter la relation entre mes parents en 2002. La nécessité pressante avec laquelle j’ai pris en photo ces moments éphémères a été pour moi comme une résistance au culte du corps et de la jeunesse, omniprésent autour de moi. La singularité de ces deux êtres ayant plus de quatre-vingt ans (au moment des prises de vue) repose sur leur liberté spirituelle : philosophie et humilité devant Dieu et devant tous les êtres du monde.
Entre-temps Simon est parti. Suzanne est restée. Maintenant, ma soeur Marie s’occupe d´elle. Marie est une femme très sensible et résistante, qui franchit les embûches les plus dures de la vie avec son amour et sa compréhension pour les autres. Et le genius loci de la petite maison cachée dans un massif de fleurs près de la rivière, continue à vivre.
Dans son entourage, Suzanne est connue comme une excellente chanteuse, et comme une brodeuse de talent, « fournisseuse officiel » en sagesses populaires pour le Musée ukrainien de Svidník. Elle peint également sur des oeufs traditionnels de Pâques. Il y a quelques années elle a commencé à dessiner et à peindre sur du papier. L’authenticité de son expression artistique m´a convaincu de l´inviter à participer au processus de mon travail photographique. Au résultat, ses dessins (sur les passe-partout) accompagnent et achèvent mes photographies. Et ils racontent en même temps leur propre histoire.
Dans ma série Elle s´appelle Suzanne je m´efforce de référencer ou d´apporter en images des preuves de son humanité, de la vérité de ses sentiments, et de la beauté d´une vieille femme qui après tant d´années passées n´a rien perdu de son Moi Intérieur ni de sa liberté. Bien qu´elle n’ai plus autant de vitalité, sa vieillesse nous a apporté une relation encore plus étroite, pour nous et pour les autres.
« Plongée » dans l´intimité de ma mère, j´ai voulu dévoiler un peu de sa nature précieuse : l´innocence d´un enfant, l´esprit des traditions populaires, l’humanité et son âme ruthène.
Peu importe finalement ce que j´ai voulu dire par les photographies.
L’ important est ce que j´ai dit… »
Daniela Kapráľová
Traduction : Léna Jakubcakova
Daniela Kapráľová est née le 12 janvier 1959 à Snina, en Slovaquie.
Au milieu des années soixante-dix, elle fait des études de photographie à l´École des arts décoratifs à Košice. En 1985 elle achève des études d´arts plastiques à l´Université Pavol Jozef Šafárik à Prešov. Entre 1988 et 2003 elle travaille pour la galerie du Musée de Vihorlat à Humenné en tant qu’historienne d´art.
Daniela Kapráľová s’est longtemps consacrée à la peinture et au dessin, mais depuis 1999 elle pratique à nouveau la photographie. Elle est membre du groupe photographique international Black and White et elle coopère avec l’association CEE PhotoFund qui soutient des projets artistiques en Slovaquie, ainsi qu’en Europe. Elle est spécialisée dans la photographique documentaire et a exposée en Slovaquie, mais aussi en Tchéquie, Pologne, Ukraine, Autriche, France…
Elle travaille actuellement au Musée d’art moderne Andy Warhol à Medzilaborce. Elle vit à Humenné.
www.kapralova.sittcomm.sk / daniela.kapralova@gmail.com