“Têtes de nègres”, on ne peut qu’être noir pour pouvoir utiliser cette expression ou alors ce sera pour désigner ces confiseries dont nous nous régalions enfant…L’expression appartenant à ce qu’il peut y avoir de plus incorrect politiquement parlant. C’est bien évidemment la raison pour laquelle je choisis de la mettre en exergue.
“Têtes de nègres”, c’est cela que Françoise Sémiramoth évoquera au cours de cette exposition individuelle faisant référence à ses origines africaines et caribéennes, à une histoire familiale marquée par l’esclavage et par les meurtrissures liées à une certaine couleur de peau, la peau noire ou la peau de nègre.
Françoise Sémiramoth réalise ici un travail quant à son identité. S’interrogeant à ce sujet. Qui est-elle ? La couleur de la peau devenant finalement un prétexte. Il s’agit d’un point de départ, capital mais dont elle s’éloigne de par un dialogue qu’elle constitue depuis quelques années avec l’écrivaine Françoise Donadieu, l’autre Françoise … Celle qui nous éclaire sur la démarche entreprise pour “Faces” ici :
“Autoportrait des Françoises
Je ne sais pas qui je suis, ni d’où je viens.
Ainsi vacante, Il m’est difficile de parler, surtout dans un monde où certains savent si bien qui ils sont et d’où ils viennent. Et vous le font savoir à voix haute et arrogante.
Ma seule certitude est que je suis née à Marseille, ville où mes semblables passent et depuis l’enfance je les regarde passer. Mes plus lointains souvenirs sont d’hommes, de femmes et d’enfants qui traversent les rues, montent des escaliers, gravissent l’avenue qui monte à la gare et s’assoient à des terrasses de café.
J’ai tant rêvé dans la foule, me suis tant perdue dans ces vies qui me frôlaient que je suis devenue les autres.
Quand a surgi, impérieux, le désir de parler et plus fort encore, celui de parler de moi, j’ai fait le portrait des autres et chaque portrait était un fragment de moi.
Puis, j’ai rencontré Françoise, Françoise comme moi, et tellement autre, tellement elle et venue de quelque part. Mais vacante aussi, vagabonde et inquiète.
Au-delà des apparences, du leurre de l’image réfléchie, je cherche au fond du miroir ce qui en me disant qui elle est, peut me dire qui je suis. Et j’écris.
Françoise Donadieu, avril 2011”
Miroir, miroir des deux Françoises. L’une écrit, l’autre peint, photographie ou filme.
Miroir, qui suis-je ?
Qui es-tu ?
Sommes nous de la même famille et ce même si nos origines ne sont pas les mêmes ?
Nous ressemblons-nous ?
Ce à quoi Françoise Sémiramoth répond :
“Autoportrait
C’est un long processus que nous avons commencé, il y a 3 ans, Françoise Donadieu et moi, nous amenant aujourd’hui à nous mettre en scène de manière frontale.
Le « Moi » dans sa répétition disparaît pour laisser place, à une émotion, un sentiment, une fuite. Les visages se confondent semblables et pourtant uniques à la fois.
Besoin de se dévoiler, de s’exhiber pour mieux renaître.
Parcours de funambule qu’est celui du peintre, de l’écrivain, de l’artiste… Il importe peu car le risque est le même.
Qui existe derrière ces visages, derrière ces regards ? Une autre… Cent visages.
Françoise Sémiramoth, avril 2011”
En tant que galeriste et femme aux origines variées, à l’image de ce melting pot qu’est la France aujourd’hui, je ne pouvais qu’être touchée par ces interrogations et ces recherches. Qui suis-je moi même ? Vais-je me retrouver dans ces autoportraits de Françoise Sémiramoth ou dans ces textes de l’autre Françoise, Françoise Donadieu ? Vais-je retrouver des ressemblances entre ces autoportraits ou ces textes et certains habitués de la galerie ?
Françoise Sémiramoth explorera de par cette recherche du soi, du moi, cet autoportrait ou ce portrait de chacun de ses traits de personnalité de nouvelles pratiques artistiques. Elle abordera l’art vidéo, la mêlera à des recherches plastiques picturales. Elle élaborera de par ces nouvelles recherches une nouvelle carte d’identité de son moi artiste. Ceux qui connaissent son travail vont le reconnaître mais vont s’apercevoir aussi qu’ils le méconnaissent totalement. Mise à nu de sa personnalité et de ses recherches artistiques seront données à voir dans “Faces”. Ce titre est extrait du mythique film de Cassevettes sorti en 1968, l’année de naissance de la première Françoise Sémiramoth. Film emblématique d’une recherche de soi et de transgression. Un hasard ? Nul doute que non … Au fur et à mesure que Françoise Sémiramoth avance dans ce travail introspectif, “Faces” – le film – se fait de plus en plus présent dans son process que ce soit au niveau des gros plans, du côté grotesque du film et d’une certaine forme d’authenticité brute et de spontanéïté. ” Lydie Marchi, Avril 2011
Lydie Marchi – Avril 2011
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