Anne-Charlotte Depincé
Exposition du 13 mai au 12 juin 2011 – Vernissage le 13 mai à partir de 18h30
Anne-Charlotte Depincé, 30 ans, vit et travaille à Marseille. Diplômée de l’Ecole Supérieure des Beaux Arts de Marseille Luminy en 2004, la Galerie Mourlot présente sa série Les Dormeurs au cours d’une exposition collective Autour du prix #2, exposition proposée en parallèle du Prix Mourlot 2007. Anne Charlotte est lauréate du prix de peinture Novembre à Vitry de Vitry sur Seine en 2008. Elle participe, en 2009, à la Biennale des jeunes créateurs d’Europe et de Méditerrannée à Sköpje (Macédoine). Invitée par Olivier Billard, directeur de la Galerie Mourlot, pour une exposition personnelle dans le cadre du PAC 2011, Anne Charlotte proposera ses dernières peintures, peintures, d’après photos.
…«Une grande partie du répertoire des motifs d’Anne-Charlotte Depincé se superpose à des documents déjà-existants et articule une iconographie personnelle. On utilisera le mot anglais « cover » qui signifie à la fois « couvrir » et « reprise ». L’image est le fond du fond, la perspective archéologique, le premier événement du tableau. Elle est travaillée toute en colorisation comme première strate sur la toile. Image subjectile recouverte lentement d’un « complet brouillé » de nuances grises. L’empâtement laisse transparaître des stries de la couleur première. Bien qu’on imagine un travail à l’envers où la couleur fait le dessin, il se joue ici l’art d’un coloriste polychrome. Pour ses covers, Anne-Charlotte Depincé parle de «dé-figurer la figuration». Un refus partiel de l’image qui communique un message au profit de l’expression d’une idée picturale qui assume l’impossible coïncidence entre l’image et la peinture. Le tableau dévore cette image comme un feu. La figuration est une transition, une instance destinée à être traversée. Peindre est par définition couvrir de peinture ou représenter. Recouvrir n’est pas repeindre, c’est représenter à nouveau, c’est «La peinture fait obstacle à la vision pour mieux capter l’invisible.». La figure recomposée est l’entre-deux, un intervalle entre le dessus et le dessous, le représentable et l’irreprésentable, l’en-deça et l’au-delà.
Le tableau est le terrain. Anne-Charlotte Depincé recouvre la perspective du récit impliqué par l’image, ruine les apparences du réel. Chaque tableau acquiert son propre «temps-espace». Il y a dans le gris une question de lenteur de la peinture, de pétrification pelliculaire, un rêve de longue date et une histoire mouvementée du tableau où il est question de figures en voie de disparition, d’images à la dérive, du soulèvement du médium dans une tectonique picturale. Une figuration tellurique. Les recouvrements créent une sensation minérale d’aplatissement, la surface d’un lit de pierres, un amas de figures fossiles, la frontalité d’une roche sédimentaire minée de veines de couleurs. Ce travail de «tailleur d’images» détourne le tableau de la «fenêtre» vers une «muraille de peinture» qui fait écran…
La peinture d’Anne-Charlotte Depincé s’entête à représenter quelque chose, un réel non représentable auquel on ne peut échapper. Une forme de persistance : dormeurs, autres exilés, survivants, cartes postales du passé, paysages révolus, figures rémanentes. Tous les genres reviennent alors sans hiérarchie au sein d’un même projet de perception : peinture d’histoire, portrait, peinture de genres, paysage, nature morte, expressionnisme, abstraction. Ses sujets privilégiés sont familiers de la perte, celle de la couleur, celle de l’origine, celle du réel, celle de la vision, celle du temps. Chacun porte sa carapace, son linceul, son spectre, son ombre, son «(g)host». Le jeu des masses picturales déconstruit les images, comme recouvertes de cendre et de fantômes. Une structure « restante ». La peinture prend forme d’un monde de figures «originaires et oublis de l’origine». Cette distance est la condition même du deuil et du désir.»
fade to grey – cover version
Luc Jeand’heur