« Carte blanche à un couple de collectionneurs
Le mois de septembre est devenu, depuis la création d’Art-O-Rama il y a cinq ans, le rendez-vous des collectionneurs à Marseille.
Au cours d’une conférence sur la photographie contemporaine au Centre Photographique d’Ile de France en novembre 2010, Pierre Leguillon, artiste et collectionneur, détailla à la hache les catégories ayant eu une influence prépondérante dans l’art contemporain : ainsi les années 50 seraient les années du critique d’art, les années 60/70 celles de l’artiste, les années 80 celles du galeriste, les années 90 l’apogée du curateur, et enfin les années 2000 le règne des collectionneurs.
Cette analyse, lue il y a quelques mois, n’a cessé depuis de m’interpeller, aussi ai-je décidé de laisser la parole à un couple collectionneurs au sein de cet espace du 32 rue Saint-Jacques à Marseille où la galerie a posé ses “valises” il y aura deux ans au mois de septembre. Cela faisait par ailleurs longtemps que j’avais envie de céder la place de commissaire d’exposition à “d’autres”, de par la différence de regard que nous pouvons avoir et de par la richesse dans l’échange que cette prise de parole au sein de la galerie peut engendrer … que ce soit avec l”autre” ou avec le public une fois ce premier échange mis en place.
Alexandre et Nathalie Callay, par leur approche particulière à l’art, m’ont semblé être les “candidats idéaux”. Je les ai rencontrés à Miami alors que la galerie participait à une foire, puis nos chemins se sont croisés de nombreuses fois ainsi que nos intérêts pour la pratique de certains artistes. Leur démarche m’a paru intéressante car ils sont passionnés de contemporanéité et se définissent comme des passeurs.
La contemporanéité qu’ils défendent est liée à leur volonté de connaître personnellement les artistes qui entrent dans leur collection tout en étant des passeurs pour faire partager à d’autres des choix hors des sentiers battus. Nathalie et Alexandre Callay sont animés par une question relative à la représentation du monde visible et invisible. La partie abstraite de leur collection entretient un dialogue avec cette question et cherche à répondre à un besoin de matérialiser l’inconnu et l’inexpliqué : mettre des formes sur des éléments invisibles ou des questionnements sans réponse. La partie figurative de leur collection cherche elle à appréhender les multiples facettes de la vie. Il n’y a pas un modèle mais des manières de vivre. Leur vision du monde est donc celle d’un monde pluriel. Acceptant sa pluralité, ils acceptent l’autre dans sa différence et son expression. L’œuvre est alors la synthèse de cette différence voir d’un vécu qui peut leur être totalement étranger. Elle permet en peu de temps d’accéder au plus profond d’un être et d’une pensée. C’est la synthèse ultime d’une complexité que l’écrit ou la parole peuvent ne pas forcément restituer.
La démarche de passeur d’Alexandre et Nathalie Callay est empreinte de tolérance. Ils acceptent ce qu’ils ne comprennent pas et ce qui est différent. C’est aussi une démarche qui cherche à s’éloigner des sentiers battus pour ne pas vivre les rêves des autres mais les leurs. Leur vie « artistique » s’organise dès lors autour de trois axes :
– trouver/découvrir des traitements et thématiques qui ne soient pas inscrits dans le courant dominant : ils ne cherchent pas à être les premiers mais à être des défenseurs d’approches singulières qui nous paraissent essentielles. Leur engagement va jusqu’à prendre parti et s’exposer à la critique en se faisant les porte-voix de ces approches.
– aider les artistes hors circuits officiels car 1000 euros offerts à un artiste qui ne vend pas (encore) à plus d’effet sur la création artistique que 1000 euros à un artiste dont la côte est établie et qui est déjà largement soutenu.
– s’autoriser des incursions dans la création pour compléter les prises de parole que sont les œuvres de leur collection.
Si il fallait résumer l’attitude d’Alexandre et Nathalie Callay face à la question de l’art : “se faire plaisir en faisant plaisir ! Nous ne sommes alors pas loin de « l’Art qui rend la vie plus intéressante que l’Art ! ».” Lydie Marchi, juin 2011
Plus d’informations sur la démarche de Nathalie et Alexandre Callay : http://www.callay.fr/