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  • Adrien Vescovi, Dieter Detzner
  • DIETER DETZNER – Exposition personnelle
  • Project Room : ADRIEN VESCOVI
    « La dernière Pièce »

    « Les lois de l’intrication quantique »
    par Marc Bembekoff

    La connaissance que nous avons de l’Univers n’est que la partie cachée de l’iceberg : son contenu attire l’homme, l’excite, tout comme il peut l’effrayer. Dans un même mouvement, les œuvres de Dieter Detzner repositionnent la place du visiteur, à la fois dans l’espace physique du white cube, et plus généralement dans l’Univers.

    Cet artiste allemand né en 1970 (la même année que le lancement de la mission lunaire américaine Apollo 13), développe une pratique au sein de laquelle il mêle habilement objets minutieusement manufacturés et gestes graphiques à l’apparente spontanéité. Il en résulte des œuvres dont la forme rappelle à la fois le Minimalisme, les Technological Reliquaries de Paul Thek, les expérimentations cinématographiques de Len Lye… Bref une constellation foisonnante avec laquelle Dieter Detzner aime à jouer et à laquelle il se confronte à travers sa pratique artistique. L’un des éléments récurrents de ses œuvres est la notion de cadre/hors-cadre : ce cadre physique peut être celui de la surface en Plexiglas lustré venant contraindre les formes qu’elle contient (D.N., 2010), tout comme il peut être le cadre du white cube que des éléments invasifs viennent perturber (Pietro, 2009). Dans les deux cas, en mettant scène des éléments semblant se poursuivre vers l’infini, l’artiste produit comme autant de preuves matérielles d’une forme d’indicible se développant au-delà du tangible, du monde clos vers l’univers infini pour reprendre le titre de l’ouvrage d’Alexandre Koyré publié en 1957.

    Dans ce sens, on pourrait presque comprendre le travail de Dieter Detzner comme la métaphore artistique de l’intrication quantique. Ce phénomène physique décrit un ensemble global, sans pouvoir séparer un objet de l’autre, bien que ces derniers puissent être spatialement distincts. Ainsi, même s’ils sont séparés par de grandes distances spatiales, deux éléments ne sont pas nécessairement indépendants et il faut les considérer comme un système absolu et unique. Les œuvres de l’artiste renvoient les unes aux autres, tant par leur forme que par les problématiques qu’elles semblent développer, comme une tentative de capter des éléments épars d’un univers fantasmé. L’espace et les lois de l’apesanteur évoquent 2001 : L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick et sa séquence culte d’ouverture dans laquelle des singes – hommes primitifs – découvrent avec stupeur un monolithe noir. Ce monolithe renvoie indirectement à la série Stehlen, présentée récemment dans le jardin de la galerie Sassa Trülzsch. Ces volumes évoquent une forme de mystique, tout comme les dernières œuvres de John McCracken en aluminium. Mais chez Dieter Detzner, les matériaux employés sont rugueux, pauvres, et juxtaposés à une fine bande de miroir qui déjoue l’espace et la perception, tout en faisant ressortir la dimension propre de la matière. On retrouve cette juxtaposition de deux esthétiques différentes dans la série des coffres en Plexiglas recouvrant des formes comme spontanées. Ces traits graphiques viennent ainsi contrebalancer l’aspect poli et lisse du matériau qui le recouvre. On assiste par-là même à une sédimentation tant des formes que des discours, l’artiste aimant nommer certaines de ses œuvres par de simples prénoms qui, fortuitement ou non, rappellent certaines icônes de l’art – comme une relecture de l’art par l’art.
    Le physicien anglo-américain Freeman Dyson résumait un jour la théorie du Big Bang par le fait que « l’Univers savait quelque part que l’homme allait venir. » A l’instar du monolithe du film de Kubrick, les œuvres de Dieter Detzner replacent l’homme dans cet Univers.

    « Sale gosse ! »

    par Dorothée Dupuis – Octobre 2011

    Adrien Vescovi a tout du sale gosse : insolent (il a une réponse conceptuelle à tout), hyperactif (incapable de tenir en place, comme le prouvent ses performances), trop curieux (il cherche toujours ce qui se cache derrière), impatient (dans ses œuvres la fin est souvent annoncée dès le début), et dilettante (il cumule références hétéroclites érudites dans un babillage brillant qui transforme ses lacunes en fulgurance). Bref, le parfait chenapan, celui dont on se dit avec soulagement qu’il vaut mieux l’avoir en photo qu’en pension. En même temps, on sait aussi que les garnements deviennent souvent le jeune homme qui finit par faire des brillantes études, le pitre qui ramasse toutes les nanas avec son humour impayable, ou le nerd insupportable qui finit par inventer l’Ipad 2.

    La pratique de Vescovi est alors à l’art ce que ce gosse insupportable est à l’humanité en général : une pirouette sans importance capable de poser des questions judicieuses et cruciales, derrière la posture de l’histrion. Vescovi se met en jeu comme un alpiniste de l’absurde sur ce qu’il nomme ses Junks playgrounds (1 & 2, 2010), terrains de jeux improvisés avec les matériaux du bord et bien trop dangereux pour les enfants : ce Koh Lanta du pauvre assumé sert de théâtre à un roulement de mécanique enfantin de la part du performeur, mis en scène dans sa beauté de garçonnet, marcel blanc et tout muscles dehors, commentaire dérisoire sur la place de l’artiste, à mi-chemin entre idole et bête de foire. L’écran de fumée, métaphore assumée de la fumisterie s’il en est, est un motif récurrent chez Vescovi : quand il ne prétend pas à carrément incarner une authentique scène de guerre (Remake, 2008), il créée une inquiétude assez vite dévoilée comme étant le produit d’un tour tout à fait inoffensif devenu crédible à la faveur d’un décor particulièrement bien choisi (Stupid White Men, 2011), quand il n’obstrue pas malicieusement les architectures classiques de paysages issus de puzzles niveau 9-13 ans, ce qu’on pourrait là encore voir comme un commentaire ironique sur l’obsession de l’architecture touchant à peu près la moitié des plasticiens hommes en activité (La dernière pièce, 2010).

    Dernièrement, Vescovi s’est alors attaché à questionner encore plus avant les procédés ludiques comme autant de métaphores du geste artistique : il a inventé un jeu qui lui permet de créer des parodies grandioses de dessins dignes des plus grandes périodes de l’abstraction (je pense souvent à Agnès Martin devant les dessins de Vescovi), autant par la taille que par l’austérité des motifs mis en œuvre, à la différence près que ces dessins sont produits… au hasard. On pense au coup de dés de Mallarmé qui s’il n’a rien aboli a effectivement lancé la grande course à l’innovation formelle du XXe siècle dont Vescovi prend acte et dont il revendique avoir une part du gâteau, mais de façon finalement lucide, et honnête, de celle que prend le petit garçon quand il dit que la partie « pour du beurre » est finie. Assumant le paradoxe métaphysique de savoir tout en le faisant que ce n’est qu’un jeu. Vescovi a le bon cœur du gamin soucieux des règles de nous le signaler : pas sûr que tous en fassent autant.

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    Dieter Detzner

    « The laws of quantum entanglement »

    by Marc Bembekoff

    The knowledge that we have about the Universe is but the hidden aspect of the problem : its contents attract man, captivate him, as well as frighten him. In a similar movement, Dieter Detzner’s works change the visitor’s posture, both within the physical space of the white cube, and more generally within the Universe.

    This German artist, born in 1970 (the very year the Apollo 13 mission to the Moon was launched), develops a practice whereby he skillfully mingles meticulously manufactured objects and seemingly spontaneous graphical moves. As a result, the form of his works reminds both of Minimalism, Paul Thek’s Technological Reliquaries, of Len Lye’s motion picture experiments… In a word, a teeming constellation Dieter Detzner likes to play with and which he confrontsthrough his artistic practice. One of the recurrent elements pervading his works is the double notion of inside/outside the framework : this physical framework can be that of the gleaming Plexiglas glass surface which compels the shapes it contains (D.N., 2010), just as much as it can be the framework of the white cube being disrupted by invasive elements (Pietro, 2009). In both cases, while staging different elements which seem to carry on to infinity, the artist produces objective evidence of a form of the inexpressible growing beyond the tangible, from the closed world to the infinite universe, to use the title of a book by Alexandre Koyré published in 1957.

    In that sense, we could almost understand Dieter Detzner’s work as the artistic metaphor of quantum entanglement. This physical behaviour describes a global set, without being able to separate one item from the other, though these can be spatially distinct. Therefore, even though they are high spatial distances away, two items are not necessarily independent, and we need to consider them as a single and absolute system. The artist’s works relate to one another, both in their form and the problems they seem to develop, in an attempt to capture scattered components of a fantasized universe. Space and the laws of gravity call to mind 2001 : A Space Odyssey by Stanley Kubrick, and its opening  iconic sequence which shows apes (primitive men) in astonishment before a black monolith. This monolith indirectly refers to the Stehlen series exhibition, recently presented in Sassa Trülzsch gallery’s garden. These volumes call to mind a form of mystique, in the same way John McCracken’s latest aluminium works do. But with Dieter Detzner, the materials used are rough, poor, and juxtaposed to a thin mirror stripe which thwarts space and perception, while bringing out the very dimension of matter. One finds this juxtaposition of two different aesthetics in the series of Plexiglas chests covering forms seemingly spontaneous. These graphic lines thus offset the polished and smooth aspect of the material it covers. One witnesses at the same time a sedimentation both of forms and of speeches, for the artist likes to give some of his works mere first names which, incidentally or not, are reminiscent of some icons of art – art revisiting art.

    Freeman Dyson, Anglo-American physicist, once summarized the Big Bang theory as follows : « In some sense, the universe knew we were coming. » Following the example of the monolith in Kubrick’s film, Dieter Detzner’s works put us back inside this Universe.

    (Traduction Fanny Sainte Rose)


    « Small Urchin! »

    By Dorothée Dupuis

    Adrien Vescovi has everything of the young rascal: impertinent (he has an abstract answer to everything), hyperactive (incapable to hold in position, as proves it his performances), too curious (he always looks what hides behind him), impatient person (in its works the end is often announced from the beginning), and dilettante (he accumulates erudite heterogeneous references in a brilliant babbling which transforms its gaps in fulgurances). In brief, the perfect rascal, the one of which we say to ourselves with relief that it is better to have him in photo than in pension. At the same time, we also know that the young imps often become the young man who eventually makes brilliant studies, the clown who collects all the girls with his invaluable humour, or the unbearable nerd, which eventually invents Ipad 2.

    The practice of Vescovi is then for the art what this unbearable kid is generally for the humanity: an unimportant pirouette capable to ask sensible and crucial questions, behind the posture of the minstrel. Vescovi puts at stake himself as a climber of the absurd on what he names his Junks playgrounds (1 and 2, 2010), playing fields were improvised with the materials of the edge and very too dangerous for the children: this Koh Lanta of an assumed poor man is used as a theatre to a mechanics of childish movement on behalf of the performer, staged in his small boy’s beauty, white undershirt and bare muscles, derisory comment on the place of the artist, halfway between idol and animal of fair. The smoke screen, the metaphor assumed of an imaginary representation, is a recurring motive at Vescovi’s: when he does not claim to embody downright an authentic war scene (Remake, 2008), He created an anxiety rather fast revealed as being the product of a completely harmless tour become credible thanks to a set particularly well chosen (Stupid White Men, on 2011), when he does not block roguishly the classic architectures of landscapes stemming from puzzles (level 9-13 years), what we could even there see as an ironic comment on the obsession of the architecture that are touching about half of the plastic artists men currently acting (La dernière pièce, 2010).

    Recently, Vescovi then attempted to question even more before the playful processes as so many metaphors of the artistic gesture: He invented a set which allows him to create grand parodies of drawings deserving of the biggest periods of the abstraction ((I often think of Agnès Martin in front of the drawings of Vescovi), as much by the size as by the austerity of the operated motives, in the difference near that these drawings are produced at … random. We think of the gamble of Mallarmé which, if he abolished nothing, effectively threw launched the big running to the formal innovation of the XXth century which Vescovi notes and, whose part of the cake he claims to have, but in a finally lucid, and honest way, of the one that takes little boy when he says that the party « which does not count » is finished. Assuming the metaphysical paradox of knowledge that while making it that it is only a game. Vescovi has the good heart of the kid worried about rules to indicate it to us: not sure that all would make it.

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