Commissariat : Bérénice Saliou
L’expression anglo-saxonne « Duty Free » désigne les boutiques hors taxes situées au sein des zones internationales
des aéroports. Espaces intermédiaires traversés quotidiennement par une multitude d’individus de nationalités diverses, les
« Duty Free » sont le paradigme du transit, de l’entre-deux géographique, de la consommation et du frottement culturel, aussi éphémère soit-il.
Au sens propre, « Duty Free » signifie « sans devoir », le terme pouvant à la fois être entendu comme libre de toute contrainte, dépourvu(e) de morale (pensons à la figure de Lafcadio, de Gide) ou manquant à des responsabilités citoyennes. Ce glissement sémantique met en question la notion même de liberté, qui s’appréhende alors sous conditions : la liberté en tant que dégagement d’obligations venant se heurter à sa mise en application sociale.
Première exposition personnelle de Katia Kameli, « Duty Free » rassemble un corpus d’oeuvres pour la plupart jamais présentées au public, comme l’importante installation multicanal Seven Acts of Love in Seven Days of Boredom
réalisée au cours de la résidence de l’artiste à Location One à New York en 2008 ou Untitled vidéo tournée en Algérie en 2011, réponse spontanée aux événements secouant actuellement le monde arabe.
D’immersions iconiques en dérives psychogéographiques consacrées par des images fixes et en mouvement,
« Duty Free » explore des territoires incertains vus au filtre d’identités plurielles et mouvantes. Le travail de Kameli dresse le portrait d’un monde à la fois étrange(r) et familier, où les sujets se dévoilent en signes, traces, et indices nous mettant sur la piste d’un possible devenir commun. Traductions, appropriations, interprétations, médiations : autant de processus en jeu dans cette exposition qui s’inscrit à une époque où les identités sont repensées au prisme de la mobilité et de la fragmentation et où la notion de liberté est plus que jamais convoquée.
Katia Kameli
À la fois artiste, réalisatrice et productrice, Katia Kameli obtient son DNSEP à l’École Nationale Supérieure d’Art de Bourges en 2000 puis devient membre du Collège-Invisible, post-diplôme de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Marseille, dirigé par Paul Devautour en 2003.
En 2006, elle conçoit et met en oeuvre le projet « Bledi in Progess », plate-forme de formation, de réalisation et de production audiovisuelle à Alger qu’elle prolonge en 2010 avec le projet Transmaghreb (Tunisie, Algérie, Maroc).
En 2007-08, elle est lauréate du programme, Paris-New York, CulturesFrance et est accueillie en résidence à Location
One, New York.
Son travail a été présenté internationalement dans les lieux suivants : Centre Georges Pompidou, Cinémathèque Française, Manifesta 8, Wallace Gallery, New York, Center for Contemporary Art de Tel Aviv, Galerie Anne de Villepoix,
Paris,Rotunda Gallery New York, Biennale de Séville, Cornerhouse, AIM Biennale de Marrakech etc.
Katia Kameli a dernièrement été invitée en résidence au sein de l’entreprise Futur Télécom, dans le cadre d’un atelier de l’EuroMéditerrannée Marseille Provence 2013.
Bérénice Saliou
Bérénice Saliou est curateur indépendante. Elle vit à Marseille et travaille là où les projets la porte. Diplômée d’un Master en Curating du Goldsmiths College à Londres et d’une Maîtrise d’arts plastiques de l’université de Provence,elle est particulièrement impliquée au Maroc. Elle y développe actuellement la résidence d’artistes « Trankat Street » co-portée par l’association marocaine Feddan dont elle est fondatrice, et Sextant et plus (Marseille).
Écrivant régulièrement pour des artistes, galeries ou revues spécialisées, elle a assuré le commissariat d’expositions
telles que « No Signal Found » à la Galerie Arte Contemporanea (Bruxelles), « Profondeurs de Champs » à la Galerie FJ (Casablanca) ou la résidence/projet « Fayd », dans l’espace public de la médina de Tétouan (Maroc). L’exposition « Duty Free » à Vidéochroniques est le fruit de plusieurs années de travail et de complicité avec Katia Kameli.