Archives Baroques……
par Paule Vangeneberg
Je me souviens de ma première rencontre avec les travaux de Sylvie Guimont qui faisaient écho à une recherche sur les mémoires et les strates sensibles : une histoire sans parole.
La peintre superposait les traces et couches, invitait tous les accidents de nos vies et itinéraires.
De ce complexe et sobre feuilletage personnel ou social affluait la mémoire.
S’y retrouvaient tout autant le mémorandum des livres et des chairs, le papier et la toile, la rugosité et le lisse, les bavures de plastique ou résines, les raturages ou écritures sèches, la générosité et la tension, la couleur ou le noir.
Curieusement, c’était comme une saison d’hiver ou une aube-printemps presque littéraire.
Un peu plus tard, je découvrais les créations d’une autre période. Tout y avait gonflé, fleuri comme des boursoufflures orgiaques d’une décadence sociétale cachant la peur panique.
La couleur débordait comme la bourse et les banques. Les formes arrondies évoquaient des éclosions, des naissances, parfois même des trop plein, des pointes de danger ou l’agressivité d’une nécessaire défense : une apothéose de fin d ‘été avec des envies de fleurs et de fruits comme réconfort d’une trop consciente décadence.
A la galerie « Jean-François Meyer » Sylvie Guimont présente son printemps 2012, Saison Baroque.
Sa grande toile «Barroco » nous rend l’irruption sociale capitaliste sur la scène de la crise : débordements, exubérances de toutes sortes, cachotteries et mensonges, misères, regrets, sauvetages sous le manteau !
Les peaux et la toile se drapent, s’enroulent. Le rideau tombe en une déflagration grise, recouvrant les méandres illustrés, les décors et les ors de quelques décennies englouties.
On garde le fronton, le chapiteau et la prestance, mais sous l’ironie et son travestissement, se dévident la fragilité du défi et le dévoilement d’un péril. La peintre semble appeler l’orchestre et la fanfare pour un joyeux tumulte avant la fin ou le ressaisissement.
Puis, c’est le bleu Méditerranée ( Maja blue) avec ses déploiements d’ivresse et son déballage de projets.
La peintre dévide le ciel et les litanies en tout genre et sa peinture distille la partition des leurres, l’effeuillages des faux semblants, l’arrogance des fins de gloire.
La boucle de l’abondance bouclée, c’est un retour au quadrillage et aux interrogations d’une nouvelle ère.
« J » évoque une autre recherche, puisée aux sources des cadres et les livres.
L’oeuvre de Sylvie Guimont est ébouriffante, généreuse, baroque comme une robe de fête….
quelle que soit la saison.
Si le cœur reste toujours sensible, on ne quitte jamais l’abondance.
Sylvie Guimont présente une série de toiles éclatées, un déploiement de peintures
interprétant la folie du voir d’une sensibilité proche du baroque.
Ses tableaux sont construit sous forme de collages, de découpages et d’assemblages.
Dans cet univers aux déhanchements formels, l’artiste déplace les plans, crée des
contrastes, joue avec la surcharge. Faux-plis, transferts de matière par transparence,
stratifications, desquamations et feuilletages de pellicules peintes sont fidèles au
bouillonnement des réinterprétations postmodernes.
L’agencement des espaces picturaux, l’intensité rythmique des coups de pinceaux, et la
touche colorée contrastée, instaurent un dialogue avec l’histoire, avec le temps qui passe,
celui de la peinture en train de se faire, de l’image cherchant à apparaître en tentant de
coïncider avec le temporalité de notre perception.
Les toiles sont superposées collées les unes par-dessus les autres en plusieurs
épaisseurs libres, laissant des indices, des bordures et des morceaux apparents de cette
profusion de découpages en tension dynamique.
La peinture de Sylvie Guimont propose l’expérience ouverte d’une peinture questionnant
les milles visages de cette matière formelle.
Doré – Rod