Ouverture exceptionnelle de 15 à 19 heures les 18 et 19 mai dans le cadre du Printemps de l’Art Contemporain
Entrée libre – accueil de groupes sur RDV
« Jusqu’à épuisement », la formule résonne comme une promesse, un engagement solennel. Ou serait-ce un défi que l’artiste se lance à lui-même en nous prenant à témoin ? À moins encore qu’il ne s’agisse d’une consigne pratique, ou mieux, une hypothèse euristique qui nous livrerait la clé d’un processus d’investigation apparemment toujours en cours.
Si au sens strict le terme d’épuisement désigne une certaine manière d’agir consistant à vider quelque chose de son contenu ou de sa substance, il nous renvoie plus largement à l’idée d’explorer toutes les possibilités de ce qui s’offre à nous (de toute chose matérielle ou abstraite), d’exploiter l’intégralité de ses ressources, jusqu’au bout. Vient alors à l’esprit ce paradoxe : alors même qu’on évoque la consommation d’une chose jusqu’à sa disparition totale, on mesure l’immense quantité d’efforts, d’actions et de gestes qu’il peut être nécessaire d’accomplir pour parvenir à l’épuisement.
Une oeuvre de Jérémy Laffon donne de cette idée une représentation assez éloquente. Il s’agit d’une sculpture constituée d’une quantité innombrable de chewing-gum Hollywood qui, après avoir été soigneusement mâchés, ont été agglomérés jusqu’à former une boule volumineuse. L’oeuvre porte clairement la trace du processus qui l’a fait naître, mais plus encore elle donne la mesure du temps et de l’énergie consacrés à produire la pièce – soit en l’occurrence à mâcher des chewing-gum – cristallisée en un corps solide d’un poids à peu près équivalent à celui de l’artiste. Amalgame entre le mouvement assidu et répétitif du mâchonnement et le geste inlassablement répété d’un travail laborieux, l’oeuvre opère la fusion en une même image paradoxale de deux registres d’activité pour le moins antinomiques. Car si le mâchonnement peut effectivement être considéré comme une activité, c’est pour autant qu’il en constitue un cas extrême, une sorte de degré zéro, précisément dépourvu de tout ce à quoi on associe généralement une activité, supposée créative ou du moins un minimum productive, impliquant un certain degré d’intention et de volonté et répondant à quelque objectif ou projet. Mâcher du chewing-gum est une activité absolument improductive, mécanique au point de s’effectuer presque malgré nous et qui plus est inépuisable, à la fois sans fin et sans finalité. On peut voir dans cette oeuvre comment la conjonction des contraires, principe opératoire récurrent dans l’art de Jérémy Laffon, concoure à l’émergence de questions aussi essentielles que celles qui touchent à la nature même de l’activité artistique, et partant à la définition de l’art, la vocation de l’artiste et au bout du compte le sens de tout cela. Il en va certes d’interrogations aussi nécessaires que peu susceptibles d’être rapidement épuisées par une réponse simple et sans équivoque. Et les oeuvres de Jérémy Laffon semblent à cet égard moins propices à simplifier les problèmes qu’à les accroître de nouvelles hypothèses déroutantes, laissant le spectateur aux prises avec d’embarrassantes considérations cependant qu’une fois la machine amorcée, il ne reste plus à l’artiste qu’à poursuivre ses activités.
Camille Videcoq, extrait du texte de l’exposition : Jusqu’à épuisement
Jérémy Laffon est né en 1978 à Limoges, il vit et travaille à Marseille. Diplômé d’un DNSEP à l’École Supérieure des Beaux-Arts de Marseille en 2007, l’artiste a depuis participé à de nombreuses expositions collectives et réalisé cinq expositions personnelles. Récemment il a effectué une Résidence au Lycée militaire d’Aix-en-Provence, coordonné par le FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, de mars à juin 2011.
L’artiste est représenté par la Galerie Isabelle Gounod, Paris.
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