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  • Philippe Chitarrini
  • Fingerprint’s Obsession
  • Curieux des sciences qui définissent l’humanité (biologie, ethnologie, archéologie), j’étudie depuis 2002 les traces corporelles laissées par l’homme dans son milieu. Obnubilé par la notion de métamorphose et les effets du passage du temps sur l’être vivant, je crée des séries de dessins, de peintures et de sculptures organiques qui nous renvoient aux origines de l’humanité, et qui questionnent son devenir. Mes œuvres tentent de tisser d’une part un pont temporel et sensible entre la préhistoire et l’époque actuelle, et de créer d’autre part de nombreuses passerelles entre le monde humain, végétal, minéral et animal. Je n’hésite pas à utiliser d’autres formes d’expressions comme l’installation, la photographie, ou la vidéo, qui me permettent de renforcer mon ancrage dans le monde vivant parcouru par la fluidité des forces et des énergies. Mes expositions personnelles, le plus souvent pensées et réalisées pour le lieu qui les accueille, abordent les thèmes qui me passionnent : la métamorphose, la mémoire, le temps, l’identité ou l’apparence. Je produis un art qui parle de l’art, de son histoire, de ses représentants, et qui cherche à établir une médiation entre les univers cosmique, aquatique, et tellurique.

    FINGERPRINT’S OBSESSION :
    Mon travail sur l’empreinte digitale me permet de m’intéresser à l’homme dans ce qu’il a de plus singulier, et d’aborder ainsi les thématiques de l’identité, de la mémoire et de la perte.

    Tout à commencé sous la forme d’un jeu qui consiste à rencontrer des artistes contemporains pour prendre l’empreinte digitale de leur pouce. Les études réalisées à partir de leur empreinte, intercalées avec des études de traces digitales préhistoriques, m’ont permis de créer un pont ou plus exactement une syncope spatio-temporelle entre ce que Georges Bataille nommait “la naissance de l’art” et l’époque contemporaine.

    Dès la préhistoire, l’empreinte apparaît comme un outil dialectique. Elle se révèle en effet capable de produire en elle la collision de deux ordres de réalités hétérogènes. En d’autres termes, les empreintes renferment un véritable paradoxe : la collision en elle d’un là et d’un non-là, d’un contact et d’une absence. Que l’empreinte soit en ce sens le contact d’une absence expliquerait la puissance de son rapport au temps, qui est la puissance fantomatique des «revenances» des survivances : choses parties au loin mais qui demeurent, devant nous, proche de nous, à nous faire signe de leur absence.

    En ne faisant pas des empreintes proprement dites, mais en réalisant des études (dessins, peintures, sculptures d’empreintes), c’est davantage le motif qui m’intéresse que le processus de figuration par contact direct (ce processus m’évitant tout de même d’avoir recours à la mimésis pour «figurer»).
    Mes oeuvres sont des représentations d’empreintes ou de fragments d’empreintes, ce qui nous plonge au coeur d’un problème théorique qui s’observe dans la très longue durée, de la préhistoire jusqu’à l’art contemporain. C’est le rapport – les jeux subtils – entre l’empreinte faite et l’empreinte imitée.

    Si les archéologues n’ont pas été surpris de trouver, dans les cavernes magdaléniennes, des griffures d’ours sur les parois, ils l’ont été davantage d’en découvrir de fausses, parfaitement réalisées par les humains en gravures ou en tracés digitaux.

    On comprend alors que l’empreinte, dès la préhistoire, est autant un motif qu’un processus.
    Pour revenir à mon travail, l’empreinte digitale comme processus constitue le point de départ de ma démarche, et son utilisation en tant que motif, son aboutissement. Les figures ainsi obtenues nous proposent une intéressante leçon d’esthétique et de sémiotique : jamais en elles le processus ne s’oppose au résultat, ni l’abstrait au figuratif, ni le tracé à la trace, ni la trace au symbole.

    Que l’empreinte surgisse comme «l’aube des images» ne veut pas dire qu’elle en soit l’existence simplifiée, bien au contraire. D’emblée le geste technique en fut complexe, et d’emblée il fut investi des puissances de l’imaginaire.
    Articulé sur un vocabulaire formel apparemment réduit – géométrie organique et aplats de couleurs étales – mon travail passe par l’impersonnalité de sa facture pour être le plus objectif possible et tenter de matérialiser sa propre réalité. Même si je lève le voile sur mes sources – les empreintes digitales entre autres – il n’y a pas lieu pour autant d’essayer de débusquer à tout prix un motif originel dans le réel. Ma démarche n’est certes pas naturaliste. Elle est bâtie sur la création d’une réalité destinée à s’intégrer comme telle dans une autre réalité visuelle, celle-ci plus vaste et moins organisée. Et c’est sans doute ainsi que mes couleurs ont une identité concrète et que la frontière entre le mode sculpture et le mode peinture est pour moi définitivement brouillée.

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