Vidéochroniques accueille Mathieu Arbez-Hermoso, jeune artiste tout juste diplômé de l’ ENSA de Dijon, dans le cadre d’une résidence de création du 20 juillet au 24 août, suivie d’une exposition au format expérimental.
Mathieu Arbez-Hermoso est né en 1984 à Bordeaux, il vit et travaille à Dijon.
Le signe linguistique est à la fois signe et chose ; « transparence et opacité sont ainsi les deux destins du signe : soit le signe opaque apparait comme chose, soit, au contraire il acquiert une quasi-invisibilité et, diaphane, s’évanoui devant la chose signifiée. Quand la chose signifiée apparait le signe-comme-chose disparait et quand le signe-comme-chose apparait, c’est la chose signifiée qui disparait » 1 Phénomène d’oscillation double, dédoublé, où l’image comme signe linguistique opère selon deux régimes : d’une part mnésique et d’autre part comme présence étrange. Support de phénomènes lumineux où la mémoire se projette comme langage mais aussi espacement oeuvré qui peut laisser le discourt brisé, incapable. Support pour le regard et qui, déjà, le regarde ;
« L’unique apparition d’un lointain, si proche soit-il » 2 et dont la présence étrangère et familière se règle sur une rythmique de la langue qui cherche du sens au réel. Une fois nommée, la chose est révélée comme réalité signifiante. Ce faisant, elle est morcelée, partielle, étrangère rendue familière. Une part d’elle, conséquente sans doute, est oubliée. Et puis, parfois la chose, l’image, exige que le langage s’adapte, change, se fabrique à nouveau. Et c’est l’envolée des oies sauvages de Fernand Deligny et qui dit des images comme des oies qu’elles peuvent ne pas être complétement domestiques. Sur ce support théorique – la langue est une mémoire qui regarde doublement – l’aspect phénoménologique du regard à l’image n’est pas le Narcisse caravagien mais plutôt sa reprise par Luis Camnitzer : This is a mirror, you are a written sentence 3. Une image en train de se faire puisqu’en train d’être nommée. Une image en train d’être enfermée dans du langage, qu’elle ouvre lorsque le rythme est bon. La langue et la lumière ? Elle éclaire le monde. Tant phénomène physique que symbole théorique d’élévation ; elle éclaire le monde et chasse la nuit : Le langage c’est ce qui réalise le réel, le rend hétérogène, éclairant telle face plutôt que telle autre, montrant et plongeant dans l’ombre ce qui n’est pas montré. C’est ainsi que nous sommes langage, avec une amnésie dans la langue, et que nous sommes visuels, avec ce dédoublement mnésique qui suppose que l’image regarde déjà, depuis le fond du regard. N’existe que parce qu’elle est regardée, n’existe que lorsqu’elle est regardée.
Mathieu Arbez-Hermoso
1 François Récanati, La transparence et l’énonciation ; pour introduire à la pragmatique. Ed du Seuil. Paris, 1979 – p33-34.
2 Walter Benjamin, L’oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique. Ed, ALLIA. Paris, 2003 – p22.
3 Luis Canmitzer, This is a mirror, you are a written sentence. Polystyrène formé sous vide monté sur support synthétique. 48cm x 62.5cm x 1.5cm. 1966 -1968. Collection Daros Latinamerica, Zurich.
Plus d’informations : http://mathieu-arbez-hermoso.net