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  • Maxime Touratier, Rob de Oude
  • ROB DE OUDE – « Tilt » – Project Room : MAXIME TOURATIER : Hegemonic Market
  • ROB DE OUDE

    Tilt

    Project Room : MAXIME TOURATIER

    Hegemonic Market
    Printemps 2012, Brooklyn.

    Nous sommes ravis d’être accueillie dans l’atelier de Rob De Oude. Ce lieu d’artistes surplombe une vue imprenable et majestueuse de la ville. L’accueil de l’artiste, simple et amical, nous laisse un souvenir mémorable, pivot du désir de transmettre notre échange à l’occasion de sa venue à Marseille à la galerie Gourvennec Ogor.

    Précisons : ce n’est pas la psychanalyse qui convoque ici l’artiste. Une phrase réputée de Lacan en 1965 nous met en garde : « […]  se rappeler avec Freud qu’en sa matière, l’artiste toujours le précède et qu’il n’a donc pas à faire de psychologie là où l’artiste lui fraie la voie[1]. » Rob de Oude nous parle avec grande justesse de son œuvre, tentant de dégager ce qui cause le réel de son art.

    Observons : ces œuvres se révèlent lentement, intenses dans la saturation des nuances colorées ; les maillages de structures plates se déroulent devant nous, devancent le regard et nous surprenent. Ses tableaux révèlent des espaces pourrons-nous dire, infinis, qui convoquent notre contemplation, chacune d’elles, unique et précieuse. Mais suivent-elles vraiment la précision mathématique apparente ?

    Ecoutons Rob de Oude[2] :

     

    –       Françoise Haccoun : Pourquoi peignez-vous Rob ? Vous nous parlez de l’évolution de votre travail, de votre style ? Qu’est ce qui fait de vous un artiste ?

    Rob de Oude : Ce qui est incroyable, c’est que Je peins depuis l’âge de huit ans, très jeune. C’est comme quelque chose de naturel pour moi. Mon père peignait déjà. Je peignais en fait n’importe quoi, des maisons… Alors, c’est très simple. Quand vous peignez depuis si longtemps et que vous ne pouvez pas vous en passer, quand cela vous rend malade de ne pas le faire ! La peinture est pour moi, comme un véritable traitement et je réalise que je dois peindre.

    –       FH : Comment vous y prenez-vous ?

     

    RdO : Un des buts que j’essaie de viser, c’est de saisir l’élément basique, la ligne, de jouer avec les lignes, des lignes parfaites. Je vise à attraper en quelque sorte le sens de la beauté,  de la perfection. Ai-je réussi ? Je ne sais pas. Dans la manière de dessiner, de peindre, on peut saisir quelque chose de la personnalité de l’artiste. En ce qui me concerne, je me considère comme idéaliste. Je vise très haut, aussi haut que cela m’est possible !

    –       FH : vous visez la perfection, c’est possible ?

    RdO : J’espère que non!

    –       FH : quelle est votre méthode ? Vous pourriez créer à l’infini des lignes, des croisements ? Vous donnez-vous limites? Quand pensez-vous que votre toile est finie ?

     

    RdO : Disons que c’est comme une sorte de système mécanique du complexe au simple. Je travaille sur les lignes et leur transparence, leurs connexions et leurs articulations. Mais pour les couleurs  je n’ai pas d’idée préétablie. J’utilise beaucoup la palette de couleur mais en fait toutes les couleurs. Je regarde et je décide intuitivement : est-ce j’aime ou est-ce que je n’aime pas ? L’abstraction de mon travail suit la réalité de mon esprit ma perception personnelle. La ligne est selon moi la métaphore pour une quantité de choses. Elle produit des effets optiques, des illusions perceptives entre le possible et l’impossible pour aller toujours plus loin. Il y a plusieurs couches de peinture transparentes, complexes, directes et imperceptibles dans ces lignes. On peut retourner les peintures à sa guise, il n’y a ni vertical, ni horizontal. Ma toile est finie quand j’obtiens comme une self satisfaction[3], c’est complètement subjectif.  Puis, je donne un nom. Cela prend du temps pour trouver un nom : Les bulles. Spirale,  le souffle du vent…

     

    –       FH : Chacun suit en quelque sorte le propre chemin de son regard ?

     

    RdO : Oui, le spectateur compose lui-même sa propre peinture !Il voit toujours plus.  Sa participation active est convoquée. Prendre le temps pour voir. De cela, je n’en ai pas le contrôle. Je m’intègre, pourrait-on dire, comme une partie du regard du spectateur. Quand je peins je vois l’évolution de la peinture. Vous ne pouvez pas tout voir. La technique semble complexe mais cela est simple. Le regard se fixe sur un jeu d’opposition.

    –       FH : Nous concluons Rob ? Diriez-vous d’une certaine façon que votre œuvre se fait en travaillant, tel un working progress ? Peut-on, dire que vous cernez des bouts de réel dans chacune de vos toiles ? Enfin, en quoi votre art est-il contemporain du XXI° siècle ? Les compositions sont d’un très haut modernisme, telles des œuvres futuristes ?

     

    RdO : Oh, là, je vais essayer de répondre !J’ai tout de même une petite idée mais quand je commence une toile, je n’ai pas de plan établi, figé. Je ne sais pas ce que je vais faire. Je pourrais dire que mon travail se fonde sur trois dimensions paradoxales : 1. La perception et le mental, 2. le possible et l’impossible- 3. L’intuition et la méthodologie.  Finalement, je crois que je cherche à toucher une idée humaniste, un certain idéalisme en me servant d’éléments minimalistes, entre méthode scientifique et méthode intuitive. Cela traverse tous les siècles. L’art du 21ème siècle offre de complexes possibilités : L’humanisme, les lignes infinies, comme des  morceaux de réalité. Le cadre de la toile vient stopper le mécanisme devant l’infini.

    Merci Rob de Oude de ce moment si riche passé en votre compagnie.

    Et à très bientôt, à Marseille !

     

    Françoise Haccoun,

    Psychanalyste à Marseille


    [1] Lacan, Jacques, « Hommage fait à Marguerite Duras », Autres écrits, Le Seuil, 2001, p. 192-193.

    [2] Interview traduit en français.

    [3] Nous avons laissé le mot en anglais volontairement. Il est plus juste.

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    Project Room :

    MAXIME TOURATIER

    Hegemonic Market

    HEGEMONIC MARKET
    Par Anouk Le Bourdiec

    Comme toujours dans le travail de Maxime Touratier, la série « Hegemonic Market » s’appréhende comme un répertoire de tensions interprétatives à double enjeu : perte de repères architecturaux, de repères géographiques, pertes d’identifications … Où sommes nous ? Que regardons nous? … L’image se structure autour d’une dualité du poétique à travers des éléments visuels ambigus dans le paysage et la composition d’un objet, d’un ensemble, non identifiable de prime abord, de l’ordre du semi abstrait. Le doute survient quand apparait, à travers ces formes, l’impression d’occupation du territoire ; le basculement iconique du cadrage révèle des impressions de formes agressives ; une sensation militaire s’empare de nous.

    Un enchevêtrement de poutres métalliques, une barre orange traversant l’espace à l’instar d’un barrage de sécurité, une structure métallique composée de grilles organisées de façon carcérale, un Aigle métallique orné de
    paraboles …

    L’axe de lecture de « Hegemonic Market » est alors offert dans un état des lieux colorimétrique. Nous sommes immergés dans les univers construits du paysage urbain moyen et de la Communication. Ces fragments architecturaux peuvent être dès lors appréhendés dans leur ensemble. Et ce sont trouble et malaise qui se définissent alors face à la contemplation … Tout n’est que logos de grands groupes commerciaux ; ces centres commerciaux connus comme représentants d’une culture de consommation de masse et grand public. Fragmentés, recadrés, ces images de la culture populaire s’offrent soudainement à notre mémoire. Et l’image se crée dans son ensemble. L’aigle qui nous a emporté si loin dans notre interprétation somme toute imaginaire, poussez en ce qui me concerne aux confins de l’ex URSS, est un détail du logo de Carrefour, âprement cadré par Maxime Touratier.

    La question est récurrente et constamment retravaillée, offrant des découvertes d’interprétations photographiques propres à l’oeuvre de Maxime. Quand l’objet, le sujet, le détail, le stéréotype de la consommation d’une culture de masse devient oeuvre par le biais de l’artiste. Il nous amène vers cette confrontation à la fois douce et amère du regard, face à la pensée évidente, ici d’une culture qui génère ses propres esthétiques ; mettant en scène à travers ses oeuvres photographiques la scène de bataille ; une militarisation de l’économie de marché. L’âpreté d’une guerre économique est alors révélée par le basculement de l’image et cette série désenchante cette invasion communicationnelle par un cadrage acéré. Telles les lances acérées de la Bataille de San Romano d’Ucello.

    L’esthétique standardisée des panneaux signalétiques induit la double lecture de la notion de matérialité de l’objet et de son appropriation. Il y apparait cette stabilisation de la communauté du quotidien à travers ces logos géants et l’émergence éphémère de notre impression cinétique d’une culture consumériste qui génère ses propres esthétiques.

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