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  • ABSALON – HABITER LA CONTRAINTE
  • © Cellule 516 & FLC - crédit photo : Caroline Pelletti

    Par sa manière de se saisir de l’habitat et des questions inhérentes à la notion « d’habiter » un espace, une temporalité, une vie, pour en faire oeuvre, Absalon a embrassé toutes les problématiques que la cellule516 souhaite mettre au travail. Cette première édition entame un cycle de réflexion sur le lien entre l’oeuvre d’art contemporaine et son contexte –quand celui-ci n’est pas un white cube – et sur les modalités par lesquelles l’oeuvre d’art impacte la vie quotidienne, les déplacements et habitudes corporelles au sein du logis, les pensées et les vécus subjectifs de ses résidents. Nous vous invitons à venir vivre « 45 minutes en 516 », et à participer vous aussi à cette expérience unique !

    VISITER LA CELLULE 516

      45 minutes en 516 – Offre pour nos visiteurs (adultes et enfants de plus de 10 ans) Du lundi au vendredi, de 10h à 17H, des visiteurs, par groupes de 6 personnes maximum, deviennent résidents de la cellule516 pendant 45 minutes. Ils peuvent cheminer librement à travers les oeuvres et profiter d’une cellule d’habitation conçue par Le Corbusier en hôtes privilégiés : bouquiner sur un lit de repos Jean Prouvé, méditer sur une LC4, se faire un thé, prendre un repas face à la mer… Pour venir visiter, la réservation est obligatoire : sur notre site internet www.cellule516.com, rubrique VISITE / RÉSERVER. Vous pouvez aussi nous contacter par email : ak@cellule516.com

    ABSALON – HABITER LA CONTRAINTE

    commissariat : Audrey Koulinsky En 1993, à l’occasion d’une conférence donnée devant les étudiants de l’École des Beaux Arts de Paris, Absalon, artiste franco-israélien, explique qu’ « il ne peut exister de vie sans structure »1, c’est-à-dire sans contrainte. Èchapper aux règles imposées par l’extérieur, par la culture et les standards sociaux, requiert alors de créer de nouvelles règles, de choisir de nouvelles contraintes, d’inventer un espace propre à soi et de lui donner un ordre. Ce rapport entre contenant et contenu, il va le manipuler physiquement, le faire varier, en jouer, notamment dans des œuvres qu’il nomme Ordre (1988), Disposition (1988), Cellules (1988, 1991), Compartiments (1991). Avec un vocabulaire sculptural délibérément limité, il va chercher les différentes modalités d’occupation de volumes abstraits, qui peu à peu vont prendre la forme d’habitacles. Ces propositions d’occupation vont être déclinées en propositions d’habitation, et vont servir de matrices pour la réalisation d’espaces potentiellement vivables. Et puisque le logement figure au rang des premières sources de conditionnement de nos modes de vie, Absalon va faire du projet de se le réapproprier, un acte de refus du conformisme, et le plus court chemin vers « un ailleurs, quelque chose de plus fort et de plus intense »1 qui aurait à voir avec la joie de l’homme libre, celle des interstices, celle des « lucioles en survivance »2. Ce projet, qu’Absalon présente aux étudiants des Beaux Arts de Paris en 1993, il l’a intitulé « Cellules » : il s’agit de six habitations de 9m2, totalement blanches, à l’architecture et aux aménagements intérieurs minimalistes, inspirés du Bauhaus et du modernisme. Conçues pour lui-même – et pour lui seul, telles des peaux « cousues à [ses] dimensions »1 – il projette de les implanter dans six villes du monde (Paris, Francfort, New-York, Tel-Aviv, Zurich et Tokyo), comme autant de dispositifs de résistance aux formatages socio-culturels, autant de « virus dans la ville »1 . Cinq des cellules ne sont alors qu’à l’état de prototypes, simples emboîtements de formes géométriques dont la valeur d’usage semble secondaire mais dans lesquelles, en dépit des apparences, chaque espace est alloué à une fonction de la vie quotidienne. La cellule numéro 1, prévue pour être positionnée dans le 13e arrondissement de Paris, est quant à elle d’ores et déjà habitable. Mobilier et équipements d’intérieur ont été intégrés et sont prêts à l’emploi. L’expérience va pouvoir avoir lieu. Le décès prématuré de l’artiste, cette même année, à l’âge de 29 ans, ne lui permettra pas de mener à bien ce projet. Bien qu’inachevé, ce projet d’habitat singulier constitue indubitablement la clef de voûte de l’œuvre d’Absalon, où art et vie s’entremêlent jusqu’à l’indistinction, créant in fine un dispositif propre à « fabriquer » du changement. Et c’est bien là que se trouve le désir de cet artiste : organiser le changement pour le changement, sans y adjoindre l’idée de progrès. Les vidéos produites dans le même temps – et l’on pense en particulier à Solution, Proposition d’habitation, et Monsieur Leloup vie privée, Monsieur Leloup vie sociale –, viennent l’attester. Elles présentent des saynètes de vie filmées dans des boîtes blanches, qui ne manquent pas d’évoquer l’univers neutralisé des «cellules » de l’artiste, saynètes au cours desquelles le protagoniste s’affaire à des tâches stéréotypées, dans une gestuelle artificielle et mécanique. Ce pourrait être l’homme moderne dans une de ces « machines à habiter »3 issues des grandes utopies de l’architecture industrialisée des années 50 et 60. Ce pourrait être dans l’une des cellules d’habitation édifiées par Le Corbusier, si ces cellules ne s’étaient pas chargées, au fil du temps et des résidents successifs, d’histoire, de psychologie, de souvenirs et de traces d’utilisation quotidienne, seules capables de transformer un espace de contraintes vide et hostile, en un lieu d’existence, une zone habitée. Absalon voulait confronter ses architectures précaires aux autres architectures dont recèlent les villes. Pour cette première édition de la Cellule 516, nous l’invitons à travers ses œuvres, à « prendre position »4 dans l’un des appartements de l’Unité d’Habitation Le Corbusier à Marseille. Prendre position : ce ne serait « pas prendre parti comme on peut le voir dans les expositions les plus caricaturales de l’art dit engagé »4, mais bien peut-être déplacer le regard en déplaçant les corps. Qu’en sera-t-il alors de l’impact entre œuvres et contexte ? Qu’en sera-t-il de notre perception, de notre connaissance des unes comme de l’autre ? Nous vous proposons d’entrer dans la Cellule 516 pour en faire vous-même l’expérience.

    1. 1- Propos extraits de la conférence donnée par Absalon à l’École des Beaux-Arts de Paris en 1993, transcrite par Cédric Venail.
    2. 2- Survivance des lucioles, Georges Didi-Huberman, Paris, Editions de Minuit, 2009.
    3. 3- Le Corbusier, Urbanisme, Paris, Crès, 1925, p. 219.
    4. 4- Selon le propos de Georges Didi-Huberman, in Quand les images prennent position. L’œil de l’histoire, 1, Paris, Éditions de Minuit, coll. “Paradoxe”, 2009, 269 p.
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