NØNE FUTBOL CLUB
One Way Ticket
31 août – 26 octobre
Vernissage samedi 31 août 2013 de 11h à 19h
en Mezzanine :
Véronique BIGO
Project Room :
Elsa DESSARPS – Prix de l’ESADMM
« 95° away from the nose, 75° downward, 60° toward the nose, and 60° upward »
La Galerie Gourvennec Ogor est heureuse de présentée l’exposition One Way Ticket du duo d’artistes Nøne Futbol Club.
Petits cons, grands pontes ? par Nicolas Rosette
(Extrait du catalogue du 58ème Salon de Montrouge, 2013)
Nøne Futbol Club est un duo capable de mobiliser autant de complices que nécessaire pour réaliser leurs œuvres et leurs performances.
La composante ludique est indissociable de leur processus de création qui aborde le monde comme un terrain de jeu pour l’expression d’un art dont la nature sans cesse confinée à la cellophane des white cube et des grands palais doit prendre le risque d’être un produit de grande distribution. Le principe récursif dans leur travail est le retournement. Il ne s’agit pas de détournement d’éléments de la pop culture (ou de la culture populaire, le terme changeant selon si cette culture nous vient d’un côté ou de l’autre de l’océan Atlantique) mais d’un retournement dont l’adresse finale est toujours la culture populaire. Une double inversion, dont le procédé de révélation nous renvoie en miroir les devenir possibles d’un monde de l’art devenu moins subtil que les cultures médiatiques populaires actuelles ; dont les pratiques de détournements critiques et jubilatoires sont le fondement. Nøne Futbol Club serait-il en train d’appliquer à l’art contemporain ce que les cultures numériques ont fait subir à Chuck Norris, le Pape ou Dark Vador ?
Si leur travail peut évoquer celui des surréalistes (pour l’aspect loufoque) et des situationnistes (par l’utilisation de la culture mass media) ce n’est pas par désir particulier de filiation. Dans leur performance Work nº096 : just married, où ils profitent de l’arrêt d’un bus parisien en train d’embarquer des voyageurs pour lui coller à l’arrière une pancarte « just married » et une demi-douzaine de casseroles, ce n’est pas tant le choix des éléments (bus, Paris, image d’Epinal quincaillière sur le mariage, performance) que le hack espiègle de l’ordinaire urbain avec pour finalité de contester la facture sociale établie. C’est une même mécanique qui est à l’œuvre dans Work n°78 – Ram Raid lorsqu’ils attaquent à la voiture bélier l’espace d’exposition sensé les accueillir. Si cette performance peut sembler s’inscrire dans une tradition, l’intention ici est cependant mise en abîme : qui cambriole quoi, finalement ?
La série d’œuvres la plus marquante et la plus littérale de la démarche de retournement qu’opèrent les artistes est sans doute ces voitures Renault des années 70 et 80 dont chaque pièce de carrosserie et d’habillement intérieur ont été méticuleusement retournées, présentant à l’extérieur ce qui devrait être à l’intérieur. Chahutant nos perceptions et nos ressentis du dedans/dehors, la série s’en prend aux représentations populaires de l’automobile où se mélangent le goût de la mécanique, la morbidité de l’accident, la voiture comme réceptacle de l’insurrection et la fascination de l’objet devenu sculptural. Répondant aussi bien à des critères cyniques de production d’œuvres par le détournement d’icônes pop qu’à un désir subtil de nous confronter à nos représentations culturelles, ces sculptures automobiles sont à la fois séduisantes et iconoclastes ; à l’instar de leur créateurs.
Elsa DESSARPS – Prix de l’ESADMM
« 95° away from the nose, 75° downward, 60° toward the nose, and 60° upward »
« Une table géante vacille comme une jeune girafe qui apprend à marcher. Une voie rapide s’évanouit gracieusement. Deux voitures électriques sont prisonnières d’une étreinte qui tourne à vide. Des ballons de baudruche sont soumis à une délicate intervention de chirurgie plastique, tandis que de petits camions en éclats attendent la convalescence.
Les constructions d’Elsa Dessarps racontent des histoires silencieuses de suspensions passagères et d’infimes ajustements. Parmi les formes bricolées, les maquettes, jouets et jeux de carte, nous entrevoyons de patients tâtonnements, de joyeuses découvertes. C’est avec fils, pinces et boulons, ainsi que ruses, humour et maladresse que l’artiste tente d’apprivoiser les forces de la gravité. Les sculptures résultent d’un jeu obstiné et incessant où Elsa, curieuse, tente de ployer et déployer les objets selon ses inclinations – désirs de certitude et de grandeur éphémères, désirs de légèreté et d’élégance, tous voués à une douce entropie.»
Anna Dezeuze, juillet 2013
Tout part essentiellement du bricolage ; ancré dans le contexte de deux villes où j’ai un pied, Marseille et Berlin, entre nécessité et volonté de récupération face à un système. Néanmoins pour moi, c’est surtout un jeu.
Récupérer des objets et évacuer leur fonctions première, les voir comme formes, matières à manipuler lors d’expériences qui viennent souvent d’envies parfois impossibles à réaliser. Je tente de relever des petits challenges dans la sculpture :
Comment faire un château de cartes qui serait solide, inébranlable suite à une frustration de ne pas réussir à faire tenir trois cartes ? Comment redonner la forme ronde à un ballon vidé d’air ? …
Il faut que ces moments de création soient ludiques, qu’ils laissent une place à l’imprévisible et l’erreur. Ne pas faire un projet précis et détaillé mais « faire » sur l’instant. Parfois cela passe par ce que Christian Morel appelle le bricolage cognitif. Une façon de persévérer dans l’erreur, créée par des raccourcis intuitifs de la pensée. Pour déclarer une décision absurde, il faut un puissant décalage entre l’action et le but, qui passe souvent dans mon travail par une discordance de matériaux.
Mes pièces dérivent toutes d’une histoire, d’anecdotes, de péripéties de leur création. Les éléments de constructions viennent comme des moyens rassurants d’assemblage, de solidité, de progression.
J’aime les chantiers, les pièces de mécano, les structures internes des bâtiments, formes simples qui me rappelle des décors ou machines de science-fiction. Des structures délimitant un espace-temps, celui de la construction, celui du jeu, d’un futur possible.
La suspension dans mon travail est venue d’un refus d’utiliser les socles classiques trop imposants pour mes sculptures plutôt morcelées et légères.
Puis c’est devenu une manière de désolidariser mes sculptures d’un contexte possible, qu’il soit mur ou sol. Finalement leur donner un territoire propre, où peut se déployer une certaine narration.
Ou encore à la manière d’un schéma ou de graphiques, les composer dans cet espace comme des dessins sur une page blanche, en les positionnant à hauteur de regard, ou à l’inverse trop bas, trop haut … Des sculptures entre plafond et sol, cet écart vierge et « invisible » qui souligne la précarité et la fragilité du temps de la sculpture.
Juillet 2013