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  • Julien Goniche
  • FATALITY
  • FATALITY Exposition personnelle

    Du mercredi au samedi de 15h00 à 19h00

    Avec l’aimable complicité de Fouad Bouchoucha

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    Texte  de Nicolas Ceccaldi

    Le corvus corax plante ses pattes dans le terreau fertile et ultra-rural du Château de Vincennes, à une envolée de la forteresse frappée du sceau impérial. C’est le Phénix des hôtes de ces bois. Le photographe est là lui aussi, chasseur d’images tapis dans l’ombre prêt à bondir (car l’appareil photo est un aparatus c’est-à-dire un préparatif) : Julien Goniche travaille sur un projet d’exposition dont le point de départ sera la photographie animalière et le voilà face à un vol de corbeaux, espèce omnivore et charognards selon la saison. Nous sommes le 10 juin 2012, c’est un dimanche. Dès lundi neuf heures, il sera sur le set d’un photo-shoot : il travaille aussi dans la mode à Paris. Homme de son époque, il est chargé de rendre compte de l’état actuel de notre être-au-monde (In-der-Welt-sein). Mais que ce soit en ville ou en pleine nature, il doit aussitôt faire face à un morne constat, celui de notre effondrement et de l’effondrement du monde magique des fables et des contes de fées : si l’image photographique renvoie à un monde des signes qui se répètent et se répondent dans une atmosphère d’évocation immanente et éternelle, Julien Goniche se retrouve quant à lui face à un squelette, la structure froide et métallique d’un organigramme de programmation représentant la grande chaine alimentaire. Du rat des villes au rat des champs, du corbeau au mannequin anorexique, les espèces tissent entre elles un réseau complexe de causes et de conséquences où  chacun subsiste aux dépens du voisin. Dans cette immense banquet de feedback festif, les repas sont sans cesse interrompus selon les enchainements renouvelables à l’infini du parasitage mutuel qui finissent par s’étendre à l’ensemble des relations sociales et des flux financiers.

    Ces forces immatérielles qui jour après jour affectent nos vies de manière bel et bien tangible et inéluctable échappent néanmoins à toute possibilité de représentation exacte et complète. C’est pourtant la tâche de l’artiste de la représentation du monde (Weltanschauungskünstler) que de saisir et de fixer à partir de cette nuée mouvante de données spatiales et temporelles des morceaux -des abstractions- pour ensuite les livrer sous forme de produit dans lesquelles la culture actuelle aura la possibilité de se manifester et de se reconnaître. À partir du moment où l’activité créatrice de l’artiste et que sa production sont identifiées comme faisant partie intégrante des flux financiers et des réseaux sociaux qui ensemble forment son berceau, la question moderniste de différentiation entre abstraction et figuration se pose autrement : une image figurative peut se dissoudre totalement dans la non-représentation indifférenciée et à l’inverse, une image dite abstraite peut être considérée figurative dans la mesure où il s’agit d’une interprétation (au sens d’une interprétation musicale) matérielle d’un contexte de production abstrait et élargi.

    Dans un essai de 2008 intitulé « Photographie et abstraction », George Baker s’interroge: « à quoi ressemblerait l’abstraction d’une abstraction ? Quelle serait la structure d’une telle entité ? Dans quelle mesure peut-on affirmer que des images figuratives  ou photographiques dans notre culture contemporaine concernent l’abstrait ou le non-représentable ? Cela pourrait il être décrit comme un projet réaliste ? Comment est-ce que la réification continue-t-elle à investir et altérer les formes de l’art contemporain ? »

    La question se pose d’emblée dans le domaine de la cybernétique, un mode de pensée et modèle organisationnel qui bien avant la mise en œuvre effective de ce que l’on appelle la « digitalisation de la vie » a remplacé le modèle libéral comme loi naturelle immanente et fédératrice du monde moderne. La cybernétique (le terme partage la même racine étymologique que le mot « gouvernement » : en grec, kubernêtikê désigne le pilotage d’un navire)  trouve ses origines durant la seconde guerre mondiale avec l’élaboration de machines informatiques de prédiction et de contrôle des positions des avions ennemis en vue de leur destruction; en d’autres mots, une machine de guerre. Par la démultiplication de ses dispositifs variés, la cybernétique s’incorpore ainsi à un nombre croissant de domaines puis à tous les aspects de la vie lorsqu’un recours à la prédiction et au contrôle est appelé à résoudre un quelconque problème d’incertitude manifeste ou non, sous une forme ou une autre. La question de l’abstraction prend donc un caractère cybernétique dans la mesure où le  Weltanschauungskünstler prend en charge la réification de phénomènes abstraits et les réintroduit dans un système d’échange : dans un monde participable, ce qui à l’origine se trouvait hors de la portée de l’expérience sensible est à présent non seulement intelligible mais encore échangeable et disponible. Le passage d’un monde cybernétique au monde magique de l’image comporte un drame existentiel qui est un drame de la présence : amené à saisir du dehors un monde qui déjà le comprend, amené à surplomber du regard le moment présent et par conséquent sa propre présence comme un objet distinct, l’artiste de la représentation du monde, s’affirmant comme sujet classique,  définit clairement les contours de sa propre subjectivité souveraine. C’est sur ce point que, comme Bartleby le Scribe,  Julien Goniche « préfère ne pas », et se laisse engloutir. Sa présence est tout aussi incertaine que les choses qui, dans le corps social à l’état gazeux, attirent son attention. Les phénomènes photographiés, embués d’une lueur redoutable et électronique sont saturés d’affects  sont les échos mécaniques de cette incertitude. La présence est à reconquérir encore et encore, de cliché en cliché, ivre d’autodestruction.

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    (English version)

    The corvus corax, phoenix of these woods, drives its claws in the fertile and ultra-rural soil surrounding Château de Vincennes, a stone’s throw from the fortress bearing the imperial seal. Hiding in the bushes is a photographer, clinging onto his apparatus, ready to pounce on his prey like a coiled spring. Julien Goniche is working on an exhibition project based on animal photography and here he is stalking an unkindness of raven, an omnivorous and occasional scavenger species. Today is June 10th 2012, a Sunday. On Monday at nine a.m. sharp, he’ll be on the set of a photo-shoot, for he also works in fashion, in Paris. A man of his time, he’s in charge of accounting for the current state of our being-to-the-world (In-der-Welt-sein). Though be it in the city or out in the country, what he faces is always the same bleak vision, the vision of our own destruction, the mournful collapse of the magical world of fables and fairy tales. Whence the photographic image points at a magical world where signs respond to one another, bounce back off each other like in a hall of mirror and in an eternal atmosphere of immanent meaning, Julien Goniche faces on the other hand a skeleton; the cold metallic structure of a vast flow-chart synthesizing the global food chain: from the town rat to the country rat, from the common raven to the starved model, species weave a complex network of chain reactions and causes and effects where everyone subsists at the expenses of each other. In this carnivorous feedback loop, meals are constantly interrupted in the forever-renewable combinations of social relations and financial fluxes.

    Despite the fact that such immaterial forces affect our lives every day in such a tangible and unavoidable way, they nevertheless elude any possibility at traditional representation. It remains however that this is precisely the task of the artist of the representation of the world, the Weltanschauungskünstler: to extract samples (or “abstracts”) from the flowing stream of temporal and spatial data, and to deliver it in the form of a finished product in which contemporary culture at large could potentially manifest and recognise itself. But as soon as the artist’s creative practice and production are recognized as an integral part of the financial and social networks out of which it emerges, the modernist distinction between abstraction and figuration takes on new implications: an image said to be abstract can be considered “figurative” in the sense that it contains or exemplifies the acting-out of  the same network forces that gave it rise and alternatively, a figurative image can find itself completely dissolved into the whatever-ness of non-representation.

    In his essay Photography and Abstraction (2008), George Baker goes further: “What would an abstraction of an abstraction look like? What would be the structure of such an entity? How can representational images or photographs in contemporary culture be said to engage with the abstract or the unrepresentable? Could this be described as a realist project? How does reification continue to invest and alter the forms of contemporary art?”

    At its core, the question lies in the field of cybernetics, a governmental technique and societal paradigm which, long before the concrete implementation of what we now call the “digitalisation of life”, has now replaced liberalism as the immanent and global natural law of the modern world. Cybernetics, ( the word itself shares the same Greek root as the word “government”, kybernētēs meaning “steersman”, “governor”, or “pilot”) finds its origins during the second World War, with the development of computer machines designed to predict and control the position of adversary airplane in order to accurately shoot them down; in other words, a war machine. Through the multiplication of its devices, the cybernetic paradigm ends up implemented into an increasing number of feilds of knowledge and disciplines and virtually into every single aspect of life where a problem of “uncertainty” can be identified in one way or another. Therefore, the question of abstraction in art takes on a cybernetic dimension insofar as the artists dedicates him or herself to the reification of abstract phenomenon and feeds them back into a system of exchange and added-value: in a participable world, what was formerly inaccessible to experience now becomes not only intelligible but also usable, exchangeable and profitable. For the Weltanschauungskünstler transitionning from a cybernetic world back to the world of magic and fables holds within itself an existential tragedy which is tantamount to what art historian Peter Robb, in his commentary on Caravaggio’s John the Baptist (John in the Wilderness), calls “the feeling for the drama of human presence”: the young saint is seated alone, lacking almost any identifiable narrative or theological cue, locked in a private world known only to its creator. With the guiding purpose of embracing from above a world in which he or she is already comprised, of envisioning his or her own presence as a distinct object of contemplation, the Weltanschauungskünstler therefore reaffirms its status as the classical, sovereign subject and clearly delineates the contours of his own self-assured subjectivity. Here, and not unlike Melville’s character Bartleby the Scrivener, Julien Goniche “would rather not to” and just lays flat in the quicksand, slowly drowning. His presence is just as uncertain as the things which catch his attention amongst that social body, in its gaseous state of matter. The type of phenomenon he takes as subjects dissolves into a dreadful and saturated electronic light and become the mechanical echoes of this very uncertainty, an uncertainty stemming from the dissolution of all narrative. Drunk off his own auto-destruction, his presence has to be constantly re-conquered, from one snapshot to the other.

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    Julien GONICHE

    *1984, Échirolles, France.
    Vit et travaille à Paris.

    Exposition personnelle
    «The Kebab light» Studio 8003, Cité des Arts, Paris, 2012
    Exposition collective
    Plus jamais seul #4, Standards, Rennes, 2013
    Publications
    «Zicatela Ding» avec Yann Gerstberger, Éditions P, 2013
    «Forward: Post Stille», HoloHolo Books, 2013
    «Dystopie 1», Adulte Adulte Studio, 2012
    «I am Andrea Crews», Éditions B42, 2012
    Videos
    «Hustling in Barbes» pour Catholic Spray
    «The Wicked & the Blind» pour The Dø
    Formation

    École Supérieure des Beaux Arts de Marseille

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    Prestations de l’association OÙ

    EXPOSITIONS, ÉDITIONS, WORKSHOPS, CONCERTS, PERFORMANCES, LECTURES, CONFÉRENCES, SPECTACLE VIVANT, DANSE, PROJECTIONS, CONVERSATIONS, DÉAMBULATIONS URBAINES, DESIGN, ARTS DE LA RUE, ETC…

    OÙ lieu d’exposition pour l’art actuel – 58 rue Jean de Bernardy 13001 Marseille. Horaires et jours d’ouverture variables selon les événements in situ.

    OÙ et L’Aventure – Place des Cèdres, 58 bis Boulevard Bouge, 13013 Marseille Malpassé. Œuvres éphémères dans l’espace public, visibles 24/24, 7/7.

    Galerie OÙ Paradis – 152 rue Paradis 13006 Marseille. Ouvert tous les jours même le dimanche. Passez directement, sonnez à Association OÙ 1er étg, ou téléphonez au 06 98 89 03 26.

    OÙ résidences d’artistes – Marseille (13) et Capbreton (40)

    OÙ en tournée – Hotel Burrhus Supervues Vaison la Romaine (84), HLM et Galerie du 5ème Marseille (13), etc …

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    Contact

    OÙ bureau – Permanence 152 rue Paradis 13006 Marseille, tous les jours sur rdv

    T : 06 98 89 03 26

    F : 04.91.81.64.34

    M : ounousecrire@club-internet.fr

    W : http://www.ou-marseille.com/

    http://www.cnap.fr/ou-lieu-dexposition-pour-lart-actuel

    OÙ lieu d’exposition pour l’art actuel

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    Axelle Régine GALTIER

    Présidente et responsable de la programmation artistique de l’association OÙ
    <http://www.facebook.com/axelle.galtier?ref=tn_tnmn>

    Présidente et membre coresponsable des projets de l’association Perspective Trouble
    <http://www.verif.com/societe/ASSOCIATION-PERSPECTIVE-TROUBLE-794538447/>

    Trésorière et membre coresponsable des projets du réseau associatif Marseille expos <http://www.marseilleexpos.com/>

    Présidente et membre actif de Take Off Production – Association des Arts du spectacle vivant <http://www.manageo.fr/fiche_info/508670429/36/take-off-production.html>

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    Plus d’informations

    Depuis le 1er mai 2000, l’association OÙ expérimente le projet OÙ lieu d’exposition pour l’art actuel à Longchamp-Friche 13001 – Ceci n’est pas une galerie – Leslie Compan. Le lieu d’exposition de la rue Jean de Bernardy, semble paradoxalement se situer dans un territoire indéterminé qui serait peut-être celui de l’art contemporain. Aménageant les possibles, OÙ est un territoire où se déterminent simultanément les espaces de création et des temps de regards. Mais la quête est ancré dans les réalités économiques et laborieuses de la création et de l’exposition, le lieu travaille à exploiter les contraintes. Ce qui motive OÙ relève davantage de la volonté de refléter le bouillonnement créateur des artistes, la dimension active de leur travail en tant que réalité. OÙ est avant tout LE lieu où l’on produit pour expérimenter, pour engager une quête artistique parfois inattendue. Les expositions présentées provoquent avant tout la rencontre entre les productions différentes et un large public. En 2013 un 11 mai, l’événement dans l’espace public OÙ et L’Aventure à Malpassé 13013 voit le jour. Un rendez-vous qui mêle les arts de la rue et arts plastiques, est donné. Cet engagement est un moteur de régénération urbaine, musée à ciel ouvert en plein coeur des quartiers Malpassé 13ème jusqu’à Longchamp-Friche 1er. De quoi faire éclater le carcan des disciplines artistiques (ici, on n’imagine de formes que collaboratives, qui se fichent d’appartenir à un quelconque champ de la culture). Au commencement de cette propagation artistique, le point « OÙ et L’Aventure » à Malpassé 13013 Marseille, un volume de ciment, reste d’une oeuvre de Richard Baquié, l’Aventure, désormais détruite par manque d’entretien. Une dialectique le lie au terminus « OÙ lieu d’exposition pour l’art actuel » 13001 Marseille. Effectivement, tandis qu’à Malpassé l’espace et les murs extérieurs sont investis des interventions des artistes, le lieu d’exposition OÙ offre la visite d’une exposition dans l’espace et les murs intérieurs. Ces « murs » deviennent un creuset de « situations » et espace d’hospitalité. Les artistes participant aux projets invitent le visiteur à dialoguer, à inventer, à se déplacer, à produire, à tester. Et novembre 2014 l’association ouvre la Galerie OÙ Paradis. La galerie privée est mis à disposition d’un commissaire pour une durée de deux ans, qui lui ré attribue un nom et organise une programmation spécifique de son choix. La galerie de 5,5m2, située 152 rue Paradis 6ème arrondissement dans le quartier chic de Marseille, avec une vue incroyable, est un espace intime et personnel dominant la ville, autre fois chambre de bonne. Cela veut dire qu’on ne peut pas tout montrer, cela veut dire qu’on optimise un lieu avec toutes les choses que l’on a apprises et expérimentées pour donner un sens certain, tout au moins voulu, ardemment souhaité, à des oeuvres qui n’auraient peut-être jamais été vues dans d’autres circonstances.

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