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  • mute – Félix Pinquier – exposition monographique
  • Mute

    Felix Pinquier

    exposition monographique

    Du 10 janvier au 22 février
    Vernissage le vendredi 10 janvier de 16h à 21h
    Brunch et visite guidée pour les enfants le dimanche 16 février de 13h à 17h

    www.karimacelestin.com/felix-pinquier/

    station, 220 x 180 x 180 cm, acier et cuir, 2013. Photo : Philippe Munda 2013 .

    Je suis fasciné par l’idée de synesthésie, ce phénomène neurologique par lequel plusieurs sens sont associés. Dans certaines formes de synesthésie, des stimuli visuels se traduisent par des réponses auditives. Le corps indique une réponse sonore à des signaux visuels.

    La lecture est une certaine forme de synesthésie. Il y a dans la lecture un espace mental qui s’ouvre, une profondeur qui dépasse les simples lettres imprimées en noir sur blanc.

    Si je dis cela, c’est que la lecture des objets et leurs capacités de suggestion mentale est importante dans mon travail.
    J’invente mes objets au moyen d’écritures schématiques où se combinent et s’associent des références à la musique, aux sons, à la sculpture, aux mathématiques, au dessin, à la poésie, au langage, à la typographie…

    Le visible ne suffit pas pour comprendre ce qui est vu. Le visible ne s’interprète qu’en référence à l’invisible.
    Ce que l’on voit ne sera donc jamais ce que l’on entend et pourtant, comme avec les phénomènes synesthésiques, on sait que les sensations ne sont pas exclusives.

    Félix Pinquier, 2012

    Introducing par Etienne Hatt, Artpress, octobre 2013

    Félix Pinquier produit des « énigmes sensorielles » qui instaurent le silence pour explorer le phénomène sonore.

    En 2010, Relâche clôturait la scolarité de Félix Pinquier dans l’atelier du sculpteur Richard Deacon à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris. La vue partielle de l’exposition  montre d’étranges objets épars. En bois, plâtre, ciment, plomb, métal et caoutchouc, ils sont produits par moulage de tubes, tuyaux, entonnoirs, objets industriels et coffrages conçus par l’artiste. Le processus est modulaire, combinatoire et cumulatif. Il vise à créer un répertoire de formes réutilisables dans un même objet ou d’une sculpture à l’autre, parfois dans d’autres tailles ou matériaux. Dynamo (2010), moulage en plâtre ici accroché au mur du fond, dérive de Sonars (2008), chaine de volumes en carton posés au sol, et sera, ailleurs, tiré en fonte d’aluminium. Les objets n’ont ni statique ni statut définitifs. Ils pourront être posés différemment ou perdre leur autonomie initiale et s’agréger en installation, comme ceux réunis ici par une plate-forme, qui n’est pas un socle mais un espace dans l’espace, un terrain de jeu et d’expérimentation.

    Les séries de dessins réalisées depuis lors par Pinquier participent de son travail de sculpteur. Qu’il s’agisse de dirigeables, de brise-lames ou d’hélices, l’artiste choisit ses motifs pour leur volumétrie. Il les dessine d’après des photographies, souvent anciennes, dont, il reprend, dans la série Aérolithes (2012), les mises en pages décentrées et les points de vue dynamiques. D’autres dessins combinent plusieurs formes et modes : restitutions hyperréalistes de volumes, schémas tirés des propres sculptures de l’artiste et signes typographiques. La page dessine alors une constellation qui est aussi une syntaxe.

    Les œuvres de Félix Pinquier semblent entretenir un rapport étroit au réel. Celui-ci tient au procédé de l’empreinte et de la copie, mais aussi au rapprochement possible entre ces formes et les objets du quotidien. Dynamo fait penser à une pendule. Ceux que l’artiste appelle ses « objets domestiques » semblent manipulables et utilisables comme les ustensiles ou les meubles qu’ils évoquent. Tel est le cas d’Assises (2010). Le titre et la forme de ces deux petites pièces de bois et de plâtre visibles au centre de la plate-forme en feraient des tabourets, mais pas leur taille. Car Pinquier introduit des perturbations qui interdisent toute fonction à ses objets réduits à des simulacres ou à des machines absurdes héritières des œuvres mécanomorphes de Marcel Duchamp et Francis Picabia.

    L’artiste joue avec le réel comme il joue avec les mathématiques. En effet, il écrit ses formes en définissant des protocoles fondés sur des suites numériques. La sculpture Parcours (2010) repose ainsi sur la répétition de la suite arbitraire 5, 2, 3, 4 et 1, les chiffres correspondant ici à des hauteurs différentes. Un tel usage des mathématiques fait bien sûr penser à François Morellet. À cet égard, le titre Relâche lui rend hommage et, à travers lui, à Picabia. Au-delà de leur caractère ludique, les nombres ont aussi à voir avec la musique qui est, pour un praticien comme Pinquier, comptage des mesures et du rythme. La pièce Trois pour quatre (2010), moulage de plâtre marqué par trois gorges d’un côté et quatre de l’autre, renvoie ainsi à la polyrythmie et au déphasage. Mais Pinquier ne saurait réduire la musique à un décompte.

    Pourtant, à la suite de Christian Marclay dont il fait siens les propos, il sait que représenter la musique et, plus généralement le son, est « toujours une sorte d’échec. Car le son est immatériel et l’évocation du son par la vue exclura toujours l’ouïe (1) ». Parcours tente néanmoins de dépasser cette aporie. Le profil de la sculpture évoque, certes, les transcriptions graphiques des sonagrammes. Mais il rappelle surtout les courbes discontinues de l’ « écriture sonore » de Rudolf Pfenninger, un des inventeurs du son synthétique dans les années 1930. L’objet se fait notation musicale, voire partition. Surtout, Pinquier, qui est trompettiste, remonte au fondement du son : l’air, sa vitesse et ses vibrations qui occupent une place essentielle dans ses recherches récentes. Station (2013), sculpture de cuir tendu sur une structure en métal, évoque ainsi le soufflet d’un accordéon et le pavillon d’une trompette. La sculpture devient instrument.

    Pourtant, ces objets sont paradoxalement statiques et muets. Pinquier tire les conséquences de l’aporie énoncée plus haut : « un objet ou une image qui tente de représenter une sonorité devient involontairement la représentation de son absence (2) ». Aussi, ses œuvres semblent-elles même instaurer le silence. Les tubes à air sont, par exemple, remplis par cette matière sourde qu’est le béton (l’artiste parle de « remplaçage »). Les œuvres sont d’autant plus silencieuses que l’artiste a, par le passé, expérimenté le son et le mouvement réels. Parmi ses œuvres sonores, la vidéo Phonography (2008) associait des bouches animées en stop motion et une bande son chantante et rythmée formée d’onomatopées. Pourquoi, alors, avoir abandonné l’art sonore et se risquer à explorer le son dans des œuvres silencieuses ? La réponse réside dans la fascination de l’artiste pour la synesthésie et la capacité de suggestion mutli-sensorielle d’un objet visible. Il écrit, en effet : « Le visible ne suffit pas pour comprendre ce qui est vu. Le visible ne s’interprète qu’en référence à l’invisible. Ce que l’on voit ne sera donc jamais ce que l’on entend et pourtant […] on sait que les sensations ne sont pas exclusives. (3) »

    (1) Félix Pinquier, « L’objet du silence ou l’inversion du problème », 2010.

    (2) Id.

    (3) Félix Pinquier, « Note à propos de Relâche », 2012.

    L’objet du silence ou L’inversion du problème

    Je ne cherche pas à fabriquer des objets acoustiques.

    Je ne cherche pas à produire des illustrations musicales.

    Je ne cherche pas non plus à établir un système de correspondances sonores.

    En fait, je ne cherche pas à associer d’une part des sons et d’autres part des objets.

    Enfin, Je cherche à penser le son par son contraire.

    Sa présence par son absence.

    Aussi, mes objets sont silencieux.

    Tenter de représenter le son par un objet ou une image silencieuse est toujours une sorte d’échec. Car le son est immatériel et que l’évocation du son par la vue exclura toujours l’ouïe. Autrement dit un objet ou une image qui tente de représenter une sonorité, devient involontairement la représentation de son absence.

    L’espace d’exposition est comme une partition. Les objets qui y sont inscrit sont des énigmes sensorielles. Ils sont comme des notations qui n’ont pas d’équivalence. Les formes, les matières et les volumes sont lisibles mais leur hypothèse sonore est insaisissable. Il ne reste que les éléments concrets et organisés.

    La lecture de la partition est bloquée parce que le mouvement est arrêté.

    Les formes sont solidifiées.

    Pourtant, roulements, craquements, battements, accents, alternances, échos et réverbérations émanent des objets. L’élaboration des pièces n’est pas dissociée du processus de création. La tension, l’instabilité, la mobilité des formes combinatoires et associatives m’intéressent.

    Il émerge une dimension imperceptible capable de décrire le silence.

    Les objets étendent leurs pouvoirs d’évocation.

    Les images mentales se font.

    Une nouvelle sphère de perception apparaît.

    Félix Pinquier

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