Du 03/05/2014 au 10/06/2014
Parfois anonyme selon nos disponibilités, nous sommes le Collectif Le Gac-Jean Pleinemer. Nous voulons consacrer notre jeunesse à poursuivre et mettre en valeur l’œuvre d’un de nos aînés. Nous avons l’ambition de nous couler dans son style, son personnage, ses archives, ses collections, d’être originaux en inventant une belle fin à cette vie d’artiste, de reclus volontaire sinon réprouvé.
Nous sommes du côté des perdants magnifiques, avides d’absolu, des rénovateurs. L’Histoire de l’art abonde en échecs. Assez de larmes !!
« Demain , s’il fait beau nous irons au phare » promettait sa mère chérie à l’enfant. Le père, oiseau de mauvais augure, ajouta « mais tous les vents sont à l’ouest. Le soleil s’éloigne »
Il songea à son enfance sur fond de guerre. Les parents préoccupés par d’autres urgences leurs laissaient une grande liberté de mouvement pendant les très longues vacances de cet été quarante-quatre ou leur école fut d’abord occupée par les allemands puis par le Maquis. Ils allaient par bandes en maraude, limite petits voyous si les choses perduraient. A propos d’une éminence rocheuse au profil singulier, le Puy Saint Georges qu’ils apercevaient de chez eux par temps clair,à l’horizon, ils se passèrent le mot d’ordre – Demain , s’il fait beau, en piquand tout droit, nous irons.
« …la lumière du phare envoyait régulièrement par dessus les vagues, d’abord deux éclairs rapides puis un long faisceau fixe ». Le paysage, aurait-on dit, clignotait. Le Puy Saint Georges disparaissait de longs moments à leur vue, caché par les plis du terrain et les nombreux bâtiments des mines. Plus loin les aboiments des chiens leur faisaient rebrousser chemin contrariant encore leur marche. Ils longèrent un mamelon aux pentes couvertes de mousse. Il rêverait plus tard d’y amener ses conquêtes, loin des railleries des autres jeunes gens.
Cela n’arriva pas. Ces demoiselles en tenues estivales s’arrangeaient pour filer en bicyclette à vive allure, insaisissables.A son sommet se serraient des pins pleins de silence et de ténèbres, lovecraftiens, plus vraisemblablement plantation des houillères destinée au boisage des galeries. Alors qu’il n’y avait plus de maison depuis un long moment ils débouchèrent sur une petite route déserte qui menait tranquillement jusqu’au pied du mont, ce qui les déçut, et même se perdait au delà, indifférente au but exaltant qu’il s’étaient fixé.
Soixante ans après il ressentit l’urgence de vérifier ce périple. Il fouilla dans son fourbi. L’endroit figurait bel et bien, quoique marginalisé, sur sa carte routière aux plis bardés de scotch… »La révélation eut lieu ». De petites lignes rayonnantes comme la lumière bleue d’un phare lointain signalaient le point de vue, et trois points superposés des ruines.
Note : Les phrases entre guillemets sont tirées de La promenade au phare de Virginia Woolf, lue récemment lors d’un séjour à Ploumanac’h sur la côte de granit rose et ses rochers étranges, pour satisfaire aux exigences de mon tableau rafistolé comme un fabuleux vêtement de travail.
Jean Le Gac