À propos de mon travail, dialogue avec moi-même.
– Il y a de la sensualité dans ce que tu fais ?
– Ho la la, bien sûr que oui ! Je suis un mammifère, d’abord et avant tout, depuis tant de millénaires. L’intelligence qui ne permet pas de s’éclater et de prendre son pied, je n’en veux pas, même en solde, pas même en promotion, je te la laisse, cadeau !
– Ta poésie et ton travail plastique sont directement reliés à la vie, au vécu.
– Oui, c’est vrai, à l’expérience et à la réalité. Mais ça ne s’arrête pas là. La vie n’est pas seulement vécue, elle renvoie directement à l’esprit, aux mécanismes de la pensée et à leur fonctionnement.
– C’est donc aussi très mental.
– Je te disais que je suis un mammifère mais j’ai l’honneur de faire partie de l’espèce qui a proportionnellement le cerveau le plus développé. Comme disait Picabia, mon crâne est rond pour que mes idées puissent tourner dedans. Je pense, donc j’en profite. Je gamberge, je lis, je parle, je me désespère et je rigole tout seul dans ma tête. C’est mental, c’est réfléchi, c’est cultivé… Sensible, poétique, instinctif… Et lucide. Forcément, tout va ensemble Je ne sais pas pourquoi on passe son temps à faire des divisions dans ce qui va ensemble. À quoi ça sert ? À régner, à juger ? À se vouloir efficace, comme une machine qui ne sait faire que les mêmes boulots ?
– Tu es poète. Tu es artiste, mais tu n’es cependant ni peintre, ni dessinateur, ni sculpteur.
– Je suis chez moi dans les arts plastiques. C’est mon pays, ma famille, ma maison, même si je ne suis, comme tu le fais justement remarquer, ni peintre, ni dessinateur, ni sculpteur.
– Tu restes toujours dans le langage.
– Les mots sont toujours là, sous mes yeux, dans mes mains, dans mon corps, je joue avec eux, je travaille avec eux. Je suis poète, je suis un homme de paroles, mais, en ce qui me concerne, la poésie est également faite de solitude et de silence. Elle est donc liée au fait de se taire et de laisser tomber l’inutilité lassante des explications et des commentaires.
– Es-tu en train de me dire que tu commences à en avoir marre de parler de ce que tu fais ?
– Je préfère le faire.
Pierre Tilman