MARA FORTUNATOVIĆ
Plénitude du vide
et autres paradoxes
Project Room :
JEAN-BAPTISTE ALCARAZ
Is the world of things ours ?
Exposition du 21 mars au 2 mai 2015
La Galerie Gourvennec Ogor est heureuse d’annoncer la première exposition personnelle de l’artiste Mara Fortunatović.
L’exposition ouvrira le samedi 21 mars de 18 à 21 heures en présence de l’artiste et sera visible jusqu’au 2 mai 2015.
En physique, le vide est toujours plein.
Mara Fortunatović (née en 1987, vit et travaille à Paris) créé des installations à la croisée de la peinture et de la sculpture. Elle manipule l’espace et se l’approprie en l’habitant de modules qui s’apparentent à des fragments architecturaux et jouent le vocabulaire de l’exposition. Les pièces se tiennent dans une incertitude volontaire et jonglent sur l’ambiguïté de leurs fonctionnalités. Les interventions de l’artiste se déploient à différentes échelles et mettent en jeu une expérience à la limite de la perception.
Pour l’exposition « Plénitude du vide et autres paradoxes », Mara Fortunatović présente des pièces réalisées pour ses dernières expositions, « Presentia », « Camera Chiara I » et « Camera Chiara II », ainsi que de nouvelles productions. Des pans de cimaises, des tranches de socles et des plaques de plexiglas sont disposés dans l’espace comme autant de ponctuations, de coupes, de césures. Ces objets spécifiques nécessitent plusieurs temps de lecture : éléments autonomes dans un premier temps, ils révèlent ensuite leurs interactions avec l’espace et les objets environnants jusqu’à se fondre les uns dans les autres.
Jouant de la notion d’in situ, ces pièces sont actualisées dans l’espace de la galerie et le redessinent à leur manière. Les petites pièces constituent au contraire des répertoires de recherche et se situent à mi chemin entre l’objet et l’expérimentation: ensemble d’angles dans la série d’Arrondis d’angles ϴ, dégradé de nuances de blanc dans les tasseaux d’Abscissa linea ou encore réflexion sur les proportions du nombre d’or dans la série Clavis Transaltitia. Ces ensembles rejouent, à une plus petite échelle, les questions posées à l’espace par les grands modules, permettant ainsi de les appréhender depuis un autre point de vue et comme un système. Les matériaux simples tels que le bois, plexiglass, métal et papier sont marouflés ondulés pliés ou cintrés. La peinture blanche infimement colorée modifie les surfaces en fonction de leur sensibilité tactile ou leur opacité.
Franchement arrimées dans le sol ou subrepticement glissées aux creux d’angles dérobés ; fondues dans les tonalités et dans les ombres déjà à l’œuvre dans l’espace, les pièces affirment leur présence et leur matérialité. Elles ne se laissent pas pour autant définir ni circonscrire car elles s’échappent dans les jeux de lumière et se dérobent au regard. La neutralité des pièces est enrichie par les interactions et les échos qui se forment entre elles. Le vide apparent devient alors dense à mesure qu’il se remplit aux yeux du spectateur attentif de relations lumineuses et de rapports de proportions. Le formalisme des pièces s’évapore dans les jeux de transparence, dans la diffraction de la lumière et ses rebonds d’un module à un autre.
L’espace est comme pris en étau par les pièces qui s’interposent face au spectateur. Bouchant la perspective et entravant le déplacement, elles contraignent autant le regard que le corps. Elles fonctionnent comme des strates, des portes à franchir, des fenêtres qui permettent de reconstituer une unité selon certains points de vue. La liberté du spectateur est mise en question, mais il est l’acteur principal des visions d’ensembles qu’il créé selon sa position dans l’espace. Revenir, tourner, s’arrêter brusquement pour avoir perçu un mouvement, une ombre, un éclat. Tester la transparence, le moment, l’endroit où elle devient opaque – regarder au travers, malgré elle, grâce à elle. Imaginer des visées telles que celle qui a été creusée dans une cimaise pour cadrer un morceau d’espace.
La première impression de vide, voire d’absence de visible, demande au spectateur un temps d’immersion et d’adaptation. Une révélation progressive s’opère. Mara Fortunatovic nous propose d’arpenter physiquement et mentalement son œuvre, de la regarder à la fois comme une pièce, un tableau aux plans imbriqués, une machine de vision au fonctionnement complexe. Il s’agit peut-être – et c’est là que réside toute l’exigence de l’œuvre et la fascination qu’elle exerce – de faire coïncider, de remettre bout à bout différents clichés et points de vus d’un même espace pour en refaire un objet, un plan cohérent.
Agnès Werly
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Project room :
JEAN-BAPTISTE ALCARAZ
Is the world of things ours ?
Qu’est-ce qu’une chose ? Le monde des choses est-il le notre ? Les questionnements de Jean-Baptiste Alcaraz ont intrigué auparavant des philosophes, tel que Heidegger, qui ont ainsi proposé de repenser notre rapport aux objets environnants. Chez Heidegger le mot chose peut avoir deux sens, le premier comme étant l’ensemble des objets qui nous entourent en excluant les êtres humains, plantes et animaux, et le second comme n’étant pas un objet mais quelque chose d’autre ou de plus. Ainsi, Jean-Baptiste Alcaraz se propose d’arpenter les différentes possibilités de représentation de la chose.
Au détour de ce travail, nulle vérité unique, mais plutôt, différentes éventualités, des propositions intégrant le doute et l’indétermination. Les dessins, sculptures ou photographies de Jean-Baptiste Alcaraz se font écho dans l’exposition, et nous proposent différentes trajectoires qui donnent à sa recherche un goût de « pluralité ». La photographie induit une vision réaliste que l’artiste va déformer, produisant ainsi une image déconnectée de la réalité. Le dessin et la sculpture permettent pour l’un, l’illustration de la perception qu’il a de notre rapport aux choses, et pour l’autre, leur mise en forme, leur matérialisation.
Les modes d’emplois, série de dessins qui affichent, par exemple, une valise avec un trou béant laissant apparaître le cosmos avec satellite et planète, ou encore un cercueil trop étroit ne pouvant accueillir le corps du défunt dans son intégralité, nous plongent dans une sorte de flou contemplatif où tout ce que nous savions des choses qui nous entourent est mis en péril, « l’ordre des choses » n’est plus fiable, le sol même pourrait bien, à tout instant, se dérober sous nos pieds… Dans Germination, une sculpture présentant une ville à l’aspect végétal sortant comme par magie d’un chapeau, nous sommes confrontés à sa réflexion sur l’urbanisation, au travers du prisme de la magie. Cependant, il n’y a là aucune parenté avec une quelconque notion de sorcellerie, il s’agit bien de « magie blanche », d’illusionnisme, c’est « pour de faux »…
Dans cette exposition nous retrouvons l’engouement pour l’anodin, le « banal » que Jean-Baptiste Alcaraz affectionne, « ce qui passe inaperçu ». Sa démarche a pour but de faire vaciller notre conscience de la banalité des choses, vers un autre aspect plus hésitant et incertain.
L’ambivalence des choses qui nous entourent est la matière première de ce travail. Une fois associées, les choses ont-elles le même sens, le même pouvoir, et gardent-elles un rapport direct à l’objet ou bien deviennent-elles substance ? C’est là tout l’enjeu de l’exposition Is the world of things ours ?