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  • John Deneuve
  • SPECTRE NORMAL
  • John Deneuve, Ovaire Normal, 2015. Tirage jet d’encre - 29,7 x 42 cm © de l’artiste.

    Commissariat : Caroline Hancock

    « Liberté : DADA DADA DADA, hurlement des couleurs crispées, entrelacement des contraires et de toutes les contradictions, des grotesques, des inconséquences : LA VIE» Manifeste Dada, 1918 », Tristan Tzara, Dada, no 3.

    L’appel de l’artiste pluridisciplinaire John Deneuve n’est pas loin du Manifeste Dada, bien qu’il date de presque de cent ans. Deneuve pratique une irrévérence somptueuse et décapante autant dans la sculpture, le dessin, les installations, le graphisme, les animations, la musique que la performance. Sa vitalité « destroy » et « kitsch » séduit Radio Nova et Arte Creative. En 2014, la Fondation Bergé Yves Saint Laurent (au Palais de Tokyo) et la Gaîté Lyrique à Paris ont programmé le duo électro techno-punk Sugarcraft (dans lequel Deneuve se produit avec Doudouboy). Dans le titre récemment sorti sous la couverture d’Audace, intitulé Aube, on peut notamment entendre la litanie remixée suivante : « excès de travaux intellectuels ».

    John Deneuve brouille les pistes en permanence. Les genres se confondent et s’entremêlent dans tous les sens du terme. Il est en fait elle. John Deneuve est l’un des multiples pseudonymes de l’artiste depuis une exposition en 2006 à la Galerie Porte Avion à Marseille alors intitulée « Catherine Deneuve ». En hommage à… la fameuse actrice blonde. On peut penser aux audaces de Philippe Katerine mais à l’envers ou à rebours (« non mais laissez-moi manger ma banane »!). On pourrait aussi tisser des connections passionnantes avec l’arbre de Paul McCarthy Place Vendôme, et l’univers de Niki de St Phalle pour ne citer que deux exemples (on pourrait aussi suggérer Lynda Benglis, General Idea, friends with you, , peut-être aussi Lucy McKenzie). Elle, John Deneuve, est revendicatrice de liberté d’expression et de créativité. La censure est une réelle menace pour l’œuvre d’une artiste qui interroge la société avec un regard très critique, utile, comique et festif à la fois. Elle en soulève la joie, la noirceur, l’innocence et le ridicule. Son art se trouve dans le domaine du sucré salé, et c’est bien là toute sa force.

    A New York en 1921, Marcel Duchamp proposait Belle Haleine, eau de voilette, un ready-made aidé d’une bouteille de parfum dont l’étiquette est une photographie de Rrose Sélavy, son alter égo féminin. Le travestissement ne date pas d’hier. L’exposition « Spectre Normal » nous transporte également dans un entre-deux ou un élément en cache un autre, et où cette notion de « normalité » est interrogée dans ses retranchements. Qu’est ce qui est « normal » ? Qui l’annonce ? La science et la médecine ? Ou est la vérité ? Ou est la fiction ? La réalité ne se situe-t-elle pas quelque part entre les deux ? Comme la bonne odeur ou non de la « belle haleine » de Duchamp, qui peut juger de la normalité d’un spectre dont le propre, comme la vie, est d’être un spectre, donc une panoplie de couleurs, de nuances et d’humanités. Tel un arc-en-ciel, John Deneuve prend pour point de départ la fête foraine et son offre guillerette d’effets transformateurs en tous genres : le palais des glaces, le manège enchanté et le train fantôme en sont le cœur. Au menu bien entendu, vous trouverez glaces, sucettes, bonbons, et friandises – version artistique. Les textures, tissus, cuirs divers, fourrures, peluches et autres lots sont aussi sans doute au rendez-vous au sein du rayon enfant du cinquième étage du magasin.

    Cette fois, hommage est rendu à la super héroïne de la série télé culte des années 1970 Wonder Woman. Son costume mythique, maintenant de la haute vintage, pourrait être la grande tendance de l’été sur les plages méditerranéennes.

    Cette exposition a lieu dans le cadre de DESTINATION MARS, titre du Printemps de l’art contemporain (PAC) 2015, qui cette année a pour fil conducteur l’invention de la carte postale photographique à Marseille (par un certain Dominique Piazza en 1891). John Deneuve fut invitée à proposer une image pour la campagne de communication de cet événement et, contre toute attente, elle a proposé deux dessins qui vont envahir la ville pendant quelques semaines – l’un zébré, l’autre plutôt panthère. On ne pourrait pas être plus « à la mode », cette mode qui puise dans le style urbain et populaire, celle de la « cagole », figure emblématique de Marseille et d’ailleurs, pleine d’humour, de joie de vivre et d’impertinence. Pour une fois, le cliché décliné n’est pas celui du foot et de l’OM (Olympique de Marseille), mais une version féminine de « rose » (avé l’accent, of course) et de « marron caca ». Deneuve fait référence aux cartes postales historiques de femmes en fourrures et plus récentes de peaux de fauves synthétiques. Plus belle la vie !

    John Deneuve avait déjà brillé aux Galeries Lafayette l’été dernier lors du projet des « Vitrines de l’Art », rue St Ferréol à Marseille. Son installation Rondes printanières, commandée par le [mac] musée d’art contemporain et réalisé avec l’Atelier Ni, était une composition de bois et de métaux divers pour mettre « en scène la séduction à travers les grandes cérémonies, les fétiches, les codes de la société du spectacle ». Il s’agissait d’un étalage étonnant d’objets trouvés, assemblés, détournés et travaillés, où les arts et traditions populaires, les dispositifs de présentation dans les musées ethnographiques rencontraient le tout contemporain. Le filet de pêche laisse penser à une Agnès Varda du Sud.

    D’ailleurs l’univers marin et de la pêche se retrouvera dans « Spectre Normal » puisqu’on nous promet possiblement d’autres clins d’oeil à Marseille et aux vacances, aux anémones de mer, aux pointus (les bateaux), aux bouées gonflables etc. Tout se recoupe dans le travail de John Deneuve pour créer un univers hyper visuel et sonore absolument ahurissant de drôlerie cinglante où le carnavalesque et ses effets de parade laisse aussi apparaitre le revers de la médaille tout aussi valable et essentiel. La suite « timbrée » en mai…

    de Caroline Hancock, février 2015
    Texte accompagnant l’exposition de la Galerie du 5e, Galeries Lafayette, Marseille.

    Exposition co-produite avec Atelier Tchikebe et Atelier Ni

     

    CP – John Deneuve aux Galeries Lafayette Marseille Saint Ferréol

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