Nicolas Nicolini
Né en 1985 à Marseille. Vit et travaille à Marseille.
Membre du collectif Yassemeqk.
« En 2011, lorsqu’il s’installe à Berlin, Nicolas Nicolini commence à peindre sur papier. Le format est unique : 70 x 100 cm. Le sujet va également le devenir. Il développe en effet une série intitulée Tas qui s’articule autour d’une silhouette informe, celle du tas de matières. Cette forme informe « n’a pas de nom ni d’origine, elle n’est pas personnalisable ou identifiable » et se prête aux projections et aux interprétations.1 Les Tas sont aussi bien des montagnes (souvenirs des calanques), des grottes, des vides et des pleins. La série se poursuit encore aujourd’hui, elle participe à un travail d’épuisement et/ou de renouvellement d’un même sujet. L’artiste explique : « La peinture est un médium d’exploration, elle est le sujet de ma pratique ». Peu à peu, un processus s’établit, d’autres séries éclosent. Inspiré par l’oeuvre de David Hockney, Nicolas Nicolini engage un travail de collage pictural. Les paysages sont composés à partir d’éléments hétéroclites extraits de photographies. Il crée alors des décors et une scène pour une variété d’objets dont il réalise les portraits. Les objets, littéralement plaqués dans les décors, apparaissent comme des corps étrangers, qui, même s’ils nous sont connus et familiers, introduisent un sentiment de malaise. Une incongruité que l’artiste explore à travers une nouvelle réflexion : la réserve et le repentir. Il s’approprie deux traditions picturales pour les mettre en jeu dans ses compositions. Ainsi, les silhouettes ou les fantômes des sujets-objets sont révélés par leur absence ou bien par la juxtaposition des couches de peinture.
L’oeuvre de Nicolas Nicolini comporte un second niveau de lecture, aux considérations strictement picturales s’ajoute une vision critique. Des éléments liés aux loisirs et au divertissement sont souvent inscrits au coeur de ses compositions : une toile de tente, une piscine, un palmier, un bateau téléguidé, un tourniquet ou encore une balançoire. L’artiste parle de « romantisme contemporain », de scènes
isolées évoquant une forme de nostalgie de vacances en famille où le rapport avec la nature est plus ou moins authentique. Si les objets semblent anodins, ils contiennent pourtant un propos sociologique. En creux, l’artiste esquisse un regard critique sur une société où les apparences priment sur la pensée et l’expérience. Le décor est le sujet. Les objets vecteurs d’artifice subsistent à la figure humaine. Les
peintures soulignent une relation galvaudée non seulement à la nature, mais aussi aux notions de voyage, de vacances et de loisir. Les objets détournent l’expérience physique et sensorielle : le palmier est planté dans le jardin, il est arrosé par un système automatique ; la mer ou le lac sont réduits à l’échelle de la piscine ; le bateau est commandé par une manette. La relation à la nature est maîtrisée
et contrainte à l’échelle du corps humain. Les objets participent à une duperie généralisée, celle de la théâtralisation de nos décors quotidiens. »
1 Citations extraites d’un entretien avec l’artiste, septembre 2015.
Texte de Julie Crenn.