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  • Alain Pontarelli
  • Conversation saphique dans une arrière cour
  • Alain Pontarelli : L’écart maniériste.

    Si l’on interroge Alain Pontarelli sur les particularités de son identité d’artiste, il répondra volontiers qu’il est avant tout un sculpteur. Mais cette référence, dominée par l’esprit des anciennes catégories de l’histoire de l’art,  ne dit rien précisément de son inscription personnelle dans le vaste champ historique qu’elle convoque. Elle apparait dans ce cas plutôt comme une coquetterie de langage pour couper court à une explication plus détaillée de ce que le nom de sculpture signifie pour lui.
    Cette question, reprise à partir du récit visuel livré par le déploiement de son oeuvre, s’éclaire cependant d’un jour qui nous permet de comprendre certaines des pistes du cheminement artistique aboutissant aux réponses qu’il propose à notre regard. Sa recherche intègre en effet un processus de génération de la forme et une spatialité spécifiques où le processus sculptural est globalement interrogé, sous le signe d’un humour paradoxal,  du point de vue de ses mises en oeuvre physiques et des échos signifiants portés par les éléments visuels qui le constituent.
    C’est ainsi, par exemple, que la place centrale donnée au dessin comme principe d’invention de la forme se traduit littéralement dans la construction des pièces par une matérialisation métallique du trait, non seulement dans sa dimension graphique mais aussi comme structure de sa projection dans l’espace. Dans ces conditions la sculpture apparait comme un dessin tridimensionnel dont la légèreté visuelle contredit la pesanteur même des matériaux dont elle est faite. Si l’on ajoute à cela que nombre de ces sculptures sont conçues comme des bas-reliefs, inscrits sur le mur qui leur sert de support comme un dessin sur la blancheur d’une page, il apparait à l’évidence que cette indexation graphique mise en scène par l’artiste est l’expression d’une stratégie majeure de sa relation au sculptural.
    A rebours de toute la tradition moderne de la sculpture construite qui a donné à voir le poids, la puissance et la couleur oxydée de l’acier brut comme signifiants définitifs d’une identité matérielle de l’ère industrielle, Alain Pontarelli choisit presque systématiquement de revêtir de laque l’âme métallique de sa sculpture. L’utilisation de cet épiderme masquant la substance primaire dont sont faites ses pièces lui permet des jeux coloristiques variés et sophistiqués : une forme de picturalité déclinée quelquefois en couleurs chatoyantes qu’il peut associer à des éléments hétérogènes, bois naturels, bandes colorées, pour composer des objets hybrides, dont les aspects décoratifs sont exposés avec une franchise  assez provocante au regard d’un certain puritanisme minimalisant. Dans ce contrepied esthétique il se confronte directement au monde des objets produits par l’industrie consumériste actuelle et certains aspects du design qui lui sont associés. C’est aussi dans cette confrontation qu’il se rapproche le plus de l’esprit ludique et acide du Pop-Art, de ses séductions ambigües et de son imagerie brillante et froide.
    Toutefois, en poussant la dynamique décorative de sa sculpture jusqu’aux confins d’un  maniérisme kitsch, l’artiste côtoie un monde indexé sur le lexique ornemental de la broderie et des ouvrages de dames. Dans cette extrémité il donne à son projet sculptural une exubérance grinçante qui lui permet de tenir à distance les glaçages mortifères de la répétition chic et lui ouvre un champ expérimental renouvelé. L’ensemble de l’entreprise se place alors  sous le signe d’un humour  mis au service de dessins-sculptures dont les complications ornementales et le maniérisme délibéré sont à la fois un pied de nez à l’éthique taditionnellement virile du sculpteur et un hommage décalé à l’érotisme iconophile du Pop-Art.

    Jean-Marc Réol
    Janvier 2016

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