PASCAL BERTHOUD
De là où l’on voit
18 Mars – 23 avril 2016
Didier Gourvennec Ogor est heureuse d’annoncer la première exposition personnelle à la galerie de l’artiste Suisse Pascal Berthoud.
L’exposition sera vernie le jeudi 17 mars en présence e l’artiste et sera visible jusqu’au 23 avril 2016.
Pascal Berthoud
Matière d’imagination – Par Léa Bismuth
Dans une série de dessins intitulée Vortex, Pascal Berthoud est pris dans des vertiges paradoxalement horizontaux, et des ascensions singulièrement planes : le bout du crayon file, comme aspiré par une force de propulsion à l’intérieur de tunnels dont on ne verra jamais l’issue et qui ne peuvent que projeter l’œil en avant. Il décrit des perspectives fulgurantes qui réactivent certains souvenirs cinématographiques, ceux de courses folles en voiture dans des nuits d’insomnie ou encore les autoroutes perdues de certains cinéastes américains devenus cultes. Les tunnels de ce genre, même dans les rêves, ne s’empruntent pas à pied : ils deviennent dès lors de véritables « véhicules », pour faire avancer les histoires que l’on se raconte ou se mouvoir dans des trajectoires fantasmées. Ces tunnels s’empruntent en voiture ou en moto, servent à se déplacer, à passer d’un environnement à autre, d’un monde à un autre aussi sans doute. Par le dessin et les valeurs de gris, Pascal Berthoud transcrit les dégradés de lumière de ces constructions à la fois solides et fuyantes, et dessine des points de fuite outrés pour mieux se saisir des tournoiements du regard.
Pascal Berthoud s’intéresse à l’architecture, notamment celle des années 70, cette architecture dans laquelle il a grandi et évolué : il réactive ainsi des bribes de mémoire personnelle par le dessin ; et il cherche les points de passage entre des lignes rigoureuses, héritières à première vue de l’histoire du constructivisme, et la légèreté de certaines formes évanescentes et éphémères, comme les nuages. Les dessins se présentent à la verticale et les formations nuageuses sont traitées de telle façon — notamment par effacement — que leurs ordonnances blanches surgissent de fonds obscurs de manière irrégulière, brumeuse, ouatée, en un amas de lumière. L’artiste pétrit une non-matière et fait vibrer les formes qui s’élèvent toujours vers le haut de la feuille, comme une explosion nucléaire, à la base mince se finissant en brouillard gazeux et épais.
Autre titre poétique fondé sur la même structure grammaticale : Comme une étrange géologie. Ici, la matière devient concrète et s’incarne par la sculpture. Ces sculptures sont pour l’artiste un moyen de faire sortir le dessin de l’espace de la feuille. Bien souvent, il dispose ces formes sur une planche ou au sol et elles finissent par dialoguer avec les grands dessins qu’elles complètent tout en leur donnant une autre dimension.
Si Pascal Berthoud favorise l’apparition de formes nébuleuses, transitoires, minérales ou volcaniques, c’est qu’il aime expérimenter dans le dessin un « délitement progressif », quelque chose de l’ordre d’une perte de visibilité, d’un effacement. Et c’est là que le processus même de fabrication de l’image rejoint celui de la sculpture : par le geste qui effleure, circule sur la feuille, supprime pendant qu’il impressionne. La taille des dessins est à la mesure de l’implication physique de l’artiste face à sa matière. Les formes rigoureusement architecturales et perspectives ou bien organiques et nuageuses, par leur mise en relation dans l’œuvre, abolissent la frontière entre abstraction et figuration, art conceptuel et art gestuel, et ouvrent des perspectives nouvelles.
La pratique de l’artiste appartient ainsi à une double tradition que tout paraît opposer : l’architecture modulaire et la grandeur baroque, la répétition des motifs et l’art de la fugue, la rigueur de la structure et l’emphase du geste. De même, la force de gravité est sans cesse mise en doute par un élan ascensionnel. Et si Gaston Bachelard, dans L’Air et les songes, parle de « matière d’imagination », c’est bien pour décrire le geste de l’artiste qui pétrit la matière des nuages qu’il ne peut saisir tout à fait et qui se dérobe. Si bien que la force de la matière est de révéler, lorsque l’artiste sait s’en emparer, son potentiel poétique.
Léa Bismuth
Léa Bismuth est critique d’art et commissaire d’exposition indépendante. Elle écrit notamment dans art press depuis 2006. Elle vit et travaille à Paris.