Carte blanche à l’artiste Julie Maret
RAZ DE MARET
Il se peut que le seul registre expressif qui reste aux arts dans un système où la valeur accordée aux choses dépend toujours du prix que l’on puisse en tirer, fût l’ironie. Le plus banal sac en plastique, autrefois donné gratuitement dans les supermarchés, va finir après son interdiction par se faire rare. Et peut être que Julie Maret va devoir aller les acheter dans les magasins de matériel artistique. À l’alchimiste qui cherche la transmutation du non capitalisable en un objet de réflexion et de beauté ; Garcia Marquez lui rappellerait que si la merde pouvait être convertie en argent, les pauvres naîtraient sans cul.
Il y a dans les travaux de Julie Maret une poétique de la résistance écologique, qui prend la forme de bestioles ou de plantes qui survivent, non biodégradables dans l’aseptisation marchande de la ville, de la vie. Un dur désir de durer dans la tension entre la fragilité de l’idée d’un vitrail et l’extrême résistance de son support plastique, voué à rester plusieurs milléniums. Au début face aux vitrines de Julie Maret, une jubilation presque infantile provient justement du tour de passe-passe qui consiste à tirer de belles images, luxueuses même, à partir du presque rien. C’est quand on réfléchit à l’écart entre la modestie de moyens déployés et l’ambition du propos, que devient évident l’enjeu politique qui tient à la bonne distance et pour mieux la subvertir, la dimension décorative. En fin : « une hésitation prolongée entre le sens et le son ».
Les différentes œuvres de Julie Maret résultent de techniques différentes -avec un fort ancrage dans le dessin et la gravure- qui se mettent en place toujours comme outils concrets au service d’une idée concrète. On n’est pas loin des réflexions d’Alain autour de la conception des Arts comme des « pratiques » qui découlèrent non pas d’une idée à priori de
l’artiste, mais plutôt d’un besoin intrinsèque à l’œuvre même, par opposition à toute Théorie Idéaliste de l’Art.
L’on ne peut cacher aiguille en sac ; Julie Maret emploie une technique originale de soudure du plastique qui l’a place côte à côte et en même temps à distance d’artistes qui nous semblent proches en intentions et en moyens, mais qui agissent surtout par la manipulation directe de déchets ; des bouteilles en plastique notamment dans les cas de Miwa Koizumi et Veronika Richterovà. Comme elles, Julie Maret travaille a nous offrir un enchantement du quotidien pas cher, intime et fantastique comme la vraie magie doit l’être.
Fernando Gallo, juin 2016