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  • Le silence n’est pas l’ennemi des paroles
  • André Lauro : Noirs dessins

    André Lauro se dit souvent bicéphale en raison de son œuvre aussi riche en sculptures qu’en peintures. Mais, comme chez beaucoup d’artistes de la Renaissance, c’est le dessin qui, chez lui, fait le lien entre ces deux formes d’expressions. On sent bien que ses sculptures ont un contour, comme des volumes extrêmement définis et dans ses peintures, même celles flirtant avec une certaine abstraction, une plasticité évidente révèle une main à la recherche d’une structure et d’une forme tangible. Le dessin pour lui est donc autant le tâtonnement du chercheur qu’un mode de construction. Ce sont d’ailleurs les gouaches d’André Lauro, se situant exactement à mi chemin entre ce qu’on appelle académiquement « peinture » et « dessin » dont la liberté du geste, de la thématique, comme des structures et des coloris volontiers vibrants qui réunissent idéalement toutes les meilleures facultés de son talent.
    Dans ses dessins en noir et blanc, malgré le côté définitif du tracé, on perçoit d’emblée les recherches et les hésitations de son parcours. Le contour loin de se vouloir virtuose se multiplie ou tremble parfois, donnant à la forme une respiration obligeant le spectateur à choisir ou à se projeter dans ce qu’il perçoit. L’œuvre est donc autant faite par le spectateur que par l’artiste comme aimait le dire Marcel Duchamp non sans une certaine malice… Mais ne nous berçons pas d’illusions, le vrai travail est bien fourni par André Lauro et par lui seul !
    L’aspect grouillant des compositions juxtaposées (sous forme de pavés de feuilles séparées mises bord à bord) nous laisse la liberté d’y voir d’abord un labyrinthe graphique confus comme peut l’être l’expression de la vie dans une ville vue depuis le ciel. Mais le réseau des traits définit rapidement des formes parmi lesquelles notre œil et notre cerveau vont faire des choix , certainement arbitraires, des sorte que ce que chacun de nous perçoit des ce travail est autant d’histoires différentes qu’il y a de spectateurs ou d’expériences vécues…
    Toutefois, parmi se que nous voyons tous, nous retrouvons des formes familières, souvent organiques, tirées de la nature au milieu de laquelle André Lauro a choisi de vivre en ermite. Nous discernons aussi des figures primitives comme un tiki Maori nous révélant la passion de l’artiste pour les arts premiers. Ce type de signe n’apparait pas comme un élément plaqué, mais en tant que protagoniste essentiel à sa mythologie personnelle.
    Il devient même un sujet rassurant  dans ce grouillement graphique volontiers inquiet, voire inquiétant. Des signes immuables comme le 8 de l’infini, des organes sexuels schématisés ou superposés, des masque (quand ce ne sont pas des crânes) des serpents, des racines ou des croix attestent les préoccupations métaphysiques d’André Lauro et sa capacité à s’inscrire dans une tradition iconographique occidentale. Sa narre inquiète s’exprime par un tracé labyrinthique piégeant notre regard, nous obligeant à une errance visuelle dans laquelle décrypter une figure ou un signe est comme trouver une bouée dans un océan dans lequel on serait perdu. On peut songer aux mondes tourmentés de Munch ou Soutter mais André Lauro se démarque par un travail que l’on pourrait qualifier de séquentiel dans la mesure où chaque feuille est à la fois autonome tout en participant à la narration du pavé dans lequel elle s’inscrit. Chaque dessin est, en effet, encadré d’un trait le refermant sur lui-même, nous obligeant à le considérer comme une des vignettes d’une grande planche de bande dessinée. Les éléments en mouvement ou en mutation désignent l’instabilité des choses; la prolifération de la vie superposant parfois des formes organiques de différents règnes sert à symboliser combien tout reste incertain, mais surtout combien nos existences sont toutes interdépendantes de ce qui les entoure. Malgré ce climat que l’on peut pressentir ponctuellement comme effrayant, c’est bien l’énergie de la vie et son renouvellement que célèbre André Lauro dans ses « frises graphiques » ayant valeur d’odes ou d’hymnes transcendant notre présence au monde.

    Marc Beaulieux

     

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