Peux-tu me parler de ton choix plastique pour ton exposition,
plus précisément le choix philosophique et esthétique de l’exposition ?
J-B Ganne :
Il s’agit d’une série de boucliers qui reprennent l’esthétique du « Book Block ». C’est à dire des boucliers pour se défendre de la police lors des manifestations, qui sont fabriqués avec des matériaux de récupération (Plexiglass, Carton, Mousse plastique, Polystyrène extrudé etc) puis qui sont peints et sur lesquels figurent des titres de livres. J’ai été assez fasciné par l’esthétique de cette modalité de défense, qui met en avant les livres comme outil de protection et de lutte. L’idée c’est de donner une image à cette forme de résistance et de lutte. Cela fait quelque années que je cherche à donner une représentation à l’émeute comme tu avais pu le voir dans les dessins que nous avions exposés ensemble. L’ensemble des titres de livres qui figurent sur ces boucliers constitue une mini-bilbliothèque d’ouvrages qui sont importants pour moi, qui m’ont formés et qui m’accompagnent. Parmi ceux-là des textes qui interrogent la question du travail, question très importante à mon sens aujourd’hui. Mais aussi des romans et des textes politiques contemporains.
Peux tu aussi me parler de l’oisiveté dans la société et dans le monde
de l’art ?
J-B Ganne :
J’ai pris pour titre de l’exposition, le titre d’un des livres figurant dans la bibliothèque de boucliers « Éloge de l’oisiveté » de Bertrand Russell parce qu’il me semblait être le pendant positif du questionnement sur l’aliénation par le travail. C’est un très joli petit texte en outre. La question que peut se poser un artiste est de savoir si il veut participer à la sur-production générale de la planète, c’est une grande responsabilité que d’ajouter des objets au monde. Il y a des manières de produire de la représentation sans jouer le jeu de la sur-production. L’oisiveté n’est bien entendu pas un absence d’activité mais un autre type d’activité.
Et le bonheur, peut il se trouver ou se conquérir ?
J-B Ganne :
C’est la conclusion de Russell dans ce court texte. Je le trouve très optimiste. Je pense surtout à un mieux vivre et à moins d’exploitation. Est-ce que cela conduit au bonheur, je ne saurais le dire.