Exposition Francesco Finizio / Du 31 mai au 29 juin 1019
Peux-tu me parler de ton choix plastique pour ton exposition, plus précisément le choix philosophique et esthétique de l’exposition ?
Un début…mais je n’ai pas encore répondu à la question
S’il y a une orientation esthétique, les choix plastiques sont déterminés en grande partie par ce que je trouve sur place…les ressources locales pour ainsi dire.
En amont je pose un scénario ou une trame avec quelques éléments « stables ». Cela reste suffisamment ouvert et volontairement brouillon pour qu’il y ait un certain quotient d’inconnu, de l’improvisation. Je veux dire que les choses se décident et se définissent au contact des personnes avec qui je vais travailler et l’environnement dans lequel nous nous trouvons. Evidemment on ne peut pas échapper aux expériences qu’on cumule qui vont faire de chacun de nous ce qu’on est. Il y a des éléments récurrents d’une exposition à l’autre (les douanes par exemple), mais l’aspect final sera dicté par les poubelles, qui recrachent le standard international bien digéré. Ces éléments reviennent aussi parce qu’ils sont des lieux communs, des espaces et des formes normatives qui conditionnent et norment. C’est important de jouer avec pour les rouvrir, les rendre habitable, fructueux et magiques, en faire des territoires praticables qu’on puisse partager éventuellement.
Je pense l’œuvre comme une version, un dub-plate. Sa disparition est programmée (donnée, abandonnée ou bennée), elle peut apparaitre ailleurs à un autre moment sous une forme légèrement différente. Elle peut être achetée soit dans la forme présentée, soit sous forme de protocole ou de partition. Quelques photos et de l’interprétation
Reconstituer Lascaux n’est plus une grande affaire – on en est à la troisième ! Donc une expo Finizio c’est de la tarte.
Mon atelier me sert principalement à tester et expérimenter. De temps en temps je décide de garder quelque chose mais ce n’est pas le but et ça finira éventuellement par se transformer en document (photo, vidéo) car plus compact et simple à préserver. Il faut rester léger et souple, éviter le stockage, accepter les aléas et composer avec le hasard……
Peux-tu me parler du titre de l’exposition et le lien avec ton voyage à Tel Aviv ?
Le sens du titre est dans le son. XIO-P(p)ing est une autre manière d’écrire « shopping », avec une phonétique chinoise qui crée une fausse étymologie avec un bégaiement et des glissements de sens : XIO = SHOW, comment prononcer P(p)ing ?… P-Ping etc
Les mots sont aussi de la matière plastique et des formes avec lesquelles je joue pas mal. Nous tendons à faire trop confiance au langage, comme si c’était plus transparent que les autres modes d’expression – maitriser le langage offre une forme de liberté qui permet de résister à ce qu’elle devient un instrument de contrôle (ce qui est malheureusement l’usage qu’en font souvent les personnalités politiques et institutions de pouvoir. La force du rap, du scat, de la poésie concrète et sonore, de groupes punks comme THE FALL tient à leur usage radical des mots. Ils remettent tous les mots en mouvement, y ré-injectent de l’électricité, des charges érotiques et poétiques, des doubles sens etc.)
Jouer avec le langage c’est aussi une tentative de libérer les formes que les mots peuvent emprisonner, pour pouvoir en jouer et en jouir à nouveau. Nous avons tous eu ce pouvoir à un moment donné quand nous étions enfants et l’école nous éduque à le perdre pour nous faire rentrer dans un mode sociétal qui me semble de plus en plus étriqué et pauvre.
Une table c’est aussi un tableau, un toit, un bateau, un feu de camp, un corps à quatre pattes…selon le style et la manière dont on la place.
Pendant trois ans je me suis rendu à Tel Aviv pour réaliser différents projets artistiques. En 2014 j’y ai passé un mois pour travailler autour de la Gare Centrale Routière de Tel Aviv qui était jusqu’en 2010 la plus grande au monde avec plus de mille commerces sur sept niveaux, le tout dans une architecture Brutaliste…les travaux n’ont jamais été terminés, ça été un flop total. Et c’est ça qui m’intéressait. La gare routière est tout le contraire de l’aéroport qui est la vitrine commerciale d’une ville où l’on vend une illusion de jet set internationale à extensions de crédit interminables. C’est un peu la honte de Tel Aviv, mais il y a de la vie dedans, des populations différentes dans un centre commercial qui est plus qu’à moitié vide où l’on croise tout et n’importe quoi…l’armée qui mène des exercices militaires aux niveau inférieurs en compagnies de skaters stone à poil pas loin du cinéma qui s’est transformé en cave de chauves-souris. Je voyais dans cette gare une dystopie salutaire (une utopie donc ?), un antidote à la politique officielle de l’Etat d’Israël. Je travaille avec des gens pas avec des états.
Mon idée était d’en développer un modèle de jeu vidéo halluciné à travers un travail vidéo — c’est toujours en cours. Quand j’aurai terminé ça fonctionnera comme une parabole ou un conte.
J’aime beaucoup Kafka et Volodine pour la manière dont ils développent ces deux formes dans leur travail.
J’ai envie que le travail raconte des choses sans raconter une seule chose. Je pose des formes et je crée des espaces qui se télescopent et s’entrechoquent avec des éléments dans lesquels chacun peut se retrouver, se projeter créer sa propre lecture ou version – du moins c’est ce que j’essaie de faire. J’espère que ça marche.
Depuis le travail à Tel Aviv je me dis qu’il faut opérer comme un fantôme. Un fantôme ne produit pas mais il bouge les choses, les meubles, fait trembler les murs, vibrer les vitres et verres…Bien sûr les fantômes n’existent pas mais c’est un concept important. Un fantôme n’a pas de corps et peut donc en investir d’autres, un peu comme tu t’introduirais dans une voiture qui ne t’appartient pas pour tester ses possibilités et jouer des apparences, faire des apparitions. Il faut rester insaisissable et savoir jouer des identités et des situations. Un fantôme est un ectoplasme et le plasma n’est ni un gaz ni un solide ni un liquide. C’est pas mal comme état pour agir en liberté.