Tout voir sans rien montrer de soi. Cela pourrait être la maxime des personnels de surveillance, pris entre l’envie de rester dans l’obscurité et le désir de nous éclairer sur ce qui se passe pour eux dans ces espaces d’enfermements.
L’image produite sur eux est symptomatique de cette tension. Quand ils se laissent photographier c’est de dos et quand ils posent face à l’objectif c’est à condition que le visage soit tronqué par le cadrage. Quand un visage apparaît sur une image, une inquiétude surgit tant leurs représentations de l’empêchement sont opérantes. Chacun est sous le contrôle de l’autre et les caméras veillent.
L’œuvre est à la fois forme et processus, elle consiste à inventer un espace visant à déplacer les attendus et les assignations sur la prison. L’expérience se déploie par et avec ceux qui organisent le dispositif carcéral, à la recherche des indices qui composent leurs cultures et leurs paysages professionnels.
L’exposition Un œil sur le dos recompose mon parcours depuis les fermetures des vieilles prisons, dont les images habillent notre imaginaire commun de la taule, à l’école de la prison, où la culture de l’institution prend corps chez les élèves surveillant·e·s et se poursuit dans les nouvelles structures.
L’accrochage est un jeu d’indices fictionnalisant les récits des surveillant·e·s en image par des mises en scènes. Ces images polysémiques combinent les dessins sur les murs des cellules et les tatouages sur les peaux des surveillant·e·s et révèlent des impensés et des non-dits d’une institution traversée par des forces contraires, en permanence tendue par son oxymore originel – punir et ré-insérer.
Dans ces prisons, je tente consciencieusement de me défaire de ce que chacun cherche à y trouver comme s’il fallait vérifier les fondements même de la prison. Je me trouve face à toute l’ambiguité de la société, en inversant l’oeilleton je l’ai vue et entendue, violente, émouvante, généreuse et écrasante, désespérante poétique.
Arnaud Théval, juin 2019.
Prison Miroir reçoit le soutien du Ministère de la Justice, de la Direction de l’Administration Pénitentiaire, de la Direction Interrégionale des Services Pénitentiaires, du Conseil départemental de l’Accès au droit des Bouches-du-Rhône, du Barreau de Marseille.
En partenariat avec : France Culture, Libération, Les Inrockuptibles et la Fondation de France
[Une proposition de la Friche la Belle de Mai avec Lieux Fictifs]