Quand on veut rapidement rafraîchir la mémoire d’un interlocuteur à qui le nom d’Étienne Robial dirait quelque chose sans rien dire de précis (cas de figure assez fréquent), il est d’usage d’évoquer l’habillage télévisuel conçu pour Canal+. C’est imparable, que l’on ait été ou pas abonné à la chaîne cryptée, chacun a en mémoire les codes visuels qui ont façonné son identité. C’est donc Robial qui en est l’auteur, tout comme il est celui du concept même d’habillage télévisuel, des pompes jusqu’au chapeau.
Toujours en compagnie de cet interlocuteur-type, on parcours ensuite assez rapidement le curriculum vitae de celui que l’on aurait du mal à qualifier seulement de graphiste (nous y revenons dans quelques lignes) : habillage de M6 ou la Sept pour rester dans le champ audiovisuel, maquettes des Inrockuptibles, de Métal Hurlant et de (A suivre), identité du groupe L’Équipe, du CNC, du théâtre Marigny… ou encore la direction artistique des éditions Denoël et des éditions Verticales. Selon l’humeur, on peut éventuellement aussi indiquer qu’Étienne Robial est enseignant à l’École d’arts graphiques Penninghen.
Puis, en rappelant qu’à la fin des années 1970 il signait les couvertures des livres publiés par les Humanoïdes associés ou côtoyait les membres de Bazooka, on en vient vite au deuxième Étienne Robial : l’éditeur. Le co-fondateur (avec Florence Cestac) de Futuropolis. Soit l’une des plus belles aventures éditoriales de l’histoire de la bande-dessinée. En 20 ans, de 1974 à 1994, il supervisera, de la maquette à l’impression, quelques 485 titres, et participera à élargir les limites de cette pratique, alors très engoncée, en défendant une véritable politique des auteurs.
Enfin, on en vient à parler à notre interlocuteur de cette exposition, qui mettra ces aventures graphiques et éditoriales en regard d’une autre de ses occupations, qui fait également partie de ses obsessions, et non la moindre : son activité de collectionneur.
Dans tout son travail, les questions de collection et de sérialité sont présentes, tant au travers des systèmes graphiques et visuels qu’il a établit, les collections et maquettes pour l’édition ou la presse qu’il a conçues, qui induisent cohérence, répétition, organisation, hiérarchies, indexation, variations, exhaustivité… toutes qualités requises par celui qui entend faire collection.
Robial parle à son propos de « collectionnite aiguë » comme on le diagnostiquerait dans un cabinet médical. Et en effet, des écumoires aux livres du Club du meilleur livre, des Critérium aux chaises Thonet, des cravates aux cafetières, des ouvrages de la Série Noire aux compas, Étienne Robial accumule un nombre incalculable d’objets depuis des années, avec expertise et méthode, mêlant les archétypes anonymes aux objets conçus par les plus illustres designers (Perriand, Loewy, Wagenfeld, Faucheux, Mallet-Stevens…). Mais loin d’être anecdotique, cette pathologie est fertile : tous ces objets nourrissent incessamment son travail. Les trous des presse-purées inspirent ses tracés régulateurs de lettres, les cubes de bois années 1930 se retrouvent dans le jeu graphique imaginé pour Canal +, des conserves de confiture lui servent à concevoir des alphabets utilisés pour Futurolis et Canal+, les tire-lignes ou les équerres lui sont utiles au quotidien, et ainsi de suite.
➔ Pour en savoir plus :
• Document de visite de l’exposition
• Biographie d’Etienne Robial
• PDF des cartels de l’exposition
• PDF des textes de l’exposition