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  • Olivier Modr
  • Là où l’herbe pousse
  • Là où l’herbe pousse est une exposition photographique décrivant l’urbanisation des
    zones rurales chinoises .
    Pendant deux ans et demi j’ai suivi au quotidien les transformations de Caochangdi
    petit village paysan aux périphéries de Beijing, menacé de destruction il y a une dizaine
    dʼannées, il fut investi par des artistes et galeries sous lʼimpulsion de lʼartiste activiste
    chinois Ai Wei Wei. Depuis le village a vu sa population se multiplier par dix. Aujourdʼhui
    les champs ont totalement disparus pour laisser la place à de modestes constructions
    qui abritent un mixte de la nouvelle et ancienne génération de Caochangdi.
    Dans quelques années le village sera rasé pour laisser la place à de nouvelles tours
    bien plus hautes cette fois, favorisant ainsi l’essor démographique de Beijing.
    Olivier Modr

     

    Les photographies de la série Là où l’herbe pousse comportent pour la plupart une vue
    panoramique, large, nous tenant à une distance où le quartier Caochangdi est un
    territoire que le regard s’efforce de décrypter. La photographie oscille alors entre son
    aspect documentaire et son aspect pictural. Mais ce qui fait série introduit encore une
    autre dimension, celle du récit, de l’histoire. Et si on cerne dans ces images cette
    tension entre l’art et document dont Michel Poivert (1) dit qu’elle imprègne tout ce qui
    constitue le propre de l’image dans sa définition contemporaine, le document est
    réinterrogé par ce qui fait histoire au niveau de la série. De quelle histoire s’agirait-il en
    l’occurrence? Celle de la transformation urbaine d’un quartier qui est lui-même le reflet
    de la mutation profonde qui est en train de se faire dans toute la Chine.
    Olivier Modr, à travers l’exemple de ce quartier, montre à la fois tel endroit, et la Chine
    elle-même dans son ensemble, aujourd’hui. Malgré les points de vue large qui sont
    offerts comme des panoramas, Olivier Modr n’a pas privilégié les très grands tirages
    pour l’exposition à la compagnie. Outre les questions économiques qui peuvent influer
    sur les choix esthétiques, on peut voir dans ce choix le souci de maintenir la
    photographie à une échelle si ce n’est moyenne (la photographie serait un « art moyen »
    au sens de Bourdieu), du moins une dimension humaine, familière, qui échappe à la
    théâtralité, à la spectacularité. On pense alors à la fameuse formule de Walker Evans :
    « la photographie n’a rien à voir avec l’Art » (2). Mais elle est précisément un art pour
    cela , où Michel Poivert insiste sur la différence entre l’Art avec majuscule, et l’art de la
    photographie, qui trouve dans le document un support critique de l’Art. Bien que
    certaines vues relancent une perception esthétisante avec puissance, la singularité du
    photographique, des détails, est bien ce qui obstrue le passage à un message, à une
    information communicationnelle. Ces images s’inscrivent bien dans un contexte, une
    éthique de l’image, rien n’est plus éloigné des mots que ces images, que la perception
    suffit à constituer en objets autonomes, qui détiennent leur propre sens sans
    signification auquel il nous faut nous confronter, nous frotter, nous émouvoir, nous
    interroger. Ces images détiennent donc bien une fonction critique, et l’on peut les relier à
    une interaction de « l’art avec les pratiques sociales tissées de résistances et d’utopies »
    (3).
    Paul Emmanuel Odin
    (1) Michel Poivert, La photographie contemporaine, Flammarion, 2010.
    (2) Walker Evans, cité par M. Poivert, ibid.
    (3) Etienne Balibar, cité par M. Poivert, ibid.

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