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  • Yazid Oulab
  • YAZID OULAB
  • Yazid Oulab, Âlif, courtesy galerie Eric Dupont, photo: J-F Rogeboz

    Exposition en partenariat avec la galerie Eric Dupont et la galerie Loft.

    Yazid Oulab occupe aujourd’hui une place tout à fait singulière sur la scène contemporaine internationale. Loin de tout effet de mode, de toute pensée ou mouvement collectifs, il a su très tôt tracer sa voie solitaire, en toute discrétion, loin des stéréotypes et des qualificatifs dont on abuse souvent à tort aujourd’hui pour définir ces artistes qui ont été érigés comme les porte-parole de la rive sud de la Méditerranée.

    Rien de tel chez Yazid Oulab qui, de son apprentissage aux Beaux-Arts d’Alger et de Marseille, a su se fabriquer une grammaire formelle très personnelle née de cette double culture, d’une grande intégrité, et qui véhicule une pensée profonde nourrie d’humanisme, de spiritualité et de sagesse. Une philosophie formelle qui ne peut laisser indifférent et qui caractérise l’ensemble de ses productions. Yazid Oulab est indéniablement un homme de la Méditerranée et de ses cultures métissées. Fort d’une histoire personnelle et familiale nourrie de la rencontre entre un milieu ouvrier et intellectuel engagé, il a fait de cette filiation et de cet héritage culturel le cœur même de sa démarche artistique. Par les valeurs qu’il véhicule à travers ses œuvres, il est porteur d’une vision des échanges culturels et intergénérationnels qui dépassent de loin le champ des arts plastiques mais qui soulèvent aussi des questions essentielles et fondamentales qui sont celles de la transmission, de la notion d’identité culturelle et de l’universalité de toute démarche artistique.

    Yazid Oulab ne cesse d’œuvrer pour construire une œuvre originale et unique qui ne renie pas ses particularités tout en étant profondément contemporaine. Contemporaine par sa propension à user de tous les médiums, de la sculpture, en passant par le dessin, la vidéo, la photographie les territoires sonores ; contemporaine, aussi, par une écriture qui puise ses sources dans l’univers des formes de nos sociétés occidentales qui, au propre et au figuré, permet à Yazid Oulab d’écrire sa propre histoire en détournant de leur usage habituel les matériaux tels que le graphite, la gomme, le papier, les utilisant comme matière première brute de ses sculptures et dessins. Il n’a de cesse d’expérimenter et de décliner un corpus iconographique lié à sa propre expérience, utilisant parfois des objets du quotidien (jarres, balances, caisses, tapis), parfois liés au sacré (bâton d’encens, couteau du sacrifice) ou aux métiers du bâtiment (truelle, crayon de charpentier, tamis, échafaudages).

    Il y a un certain plaisir chez Yazid Oulab à confectionner avec ingéniosité ses propres outils de façon artisanale, à inventer des formes d’écritures à l’aide de perceuses, marteaux, burins, pointes et clous, divers outillages qui viennent marteler et marquer de leur empreinte le papier. Une forme de retour à un geste archaïque, primitif, rituel, qui façonne une écriture stylistique surprenante, que l’on pourrait qualifier de cunéiforme, en écho lointain au système d’écriture mis au point entre 3400 et 3200 av JC en Basse Mésopotamie. Simples, dépouillées, ces formes ne sont pourtant jamais réductibles à de simples signes tant elles possèdent une force évocatrice, symbolique et spirituelle omniprésente. Le souffle du récitant comme signe, Le mur de l’effacement, Stylites résonnent de façon explicite comme autant d’expériences symboliques. L’œuvre de Yazid Oulab est un dialogue permanent entre une pensée, une sagesse nourrie de soufisme et une incroyable maîtrise des matériaux et de leur transmutation. Une alchimie du verbe qui s’opère sur des territoires « matériologiques » surprenants : le fil de fer barbelé devient par le déroulé de ses entrelacs une forme d’écriture poétique ; les volutes d’encens deviennent des souffles de vie ; une brique de gomme l’élément de construction d’un mur ; les clous par des jeux d’échelle allant de l’infiniment petit à l’infiniment grand deviennent de véritables sculptures, entre fragilité et violence contenue, armes ou crayons de papier, de verre ou de graphite ; les silex taillés préhistoriques deviennent des pointes de graphite, soulignant que la violence du verbe est souvent bien plus forte que la pointe d’une flèche. Chez Yazid Oulab, idées et matériaux sont indissociables et propices à toutes les formes de production, des plus élémentaires aux plus sophistiquées.

    Par la complexité des questions que soulèvent ses œuvres, par ce formidable corpus d’images et d’objets, c’est un mode de transmission du savoir et la problématique fondamentale de la mémoire que souligne Yazid Oulab. L’écriture du temps est lui une écriture de la mémoire qui n’a de cesse de nous interroger et de ponctuer notre cheminement d’homme à travers les méandres de nos sociétés contemporaines. Une marche dans le temps, dans la matière du temps qui n’aurait certainement pas déplu à un certain Marcel Proust.

    L’exposition que présente le FRAC du 14 juin au 1er septembre est la première exposition personnelle de l’artiste dans une institution en France et la première de cette ampleur. Se déployant sur les deux plateaux du bâtiment, elle donnera accès à un ensemble conséquent de dessins, d’objets, de sculptures, ainsi qu’à de nouvelles productions.

    Pascal Neveux
    directeur
    commissaire de l’exposition

    Nocturnes les vendredis 19 juillet et 9 août de 10h à 21h.

    Publication à paraître aux Editions du Palais

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