Performance d’André Fortino à partir de 18h
Le diptyque vidéo d’André Fortino comprend Hôtel Dieu (un homme masqué avec une tête de cochon en plastique improvise une rencontre sauvage et sensuelle avec un lieu abandonné) et Les Paradis Sauvages (coréalisation avec Hadrien Bels), où Fortino s’est démasqué pour reproduire chacune des scènes de Hôtel Dieu dans des sites différents.
Du jeudi au samedi de 15h à 19h
Entrée libre
Accueil de groupes sur rendez-vous
C’est dans Hôtel Dieu que Fortino s’empare, pour la première fois, du cochon comme animal iconoclaste, en se masquant avec une tête de cochon en plastique. Ce personnage reviendra dans ses peintures et quelques performances. L’improvisation sauvage de la vidéo Hôtel Dieu est le point culminant de cette pantomime animale. C’est un geste irrépétable, primitif, féroce, sensuel. D’une fraîcheur inouïe. D’une puissance émotionnelle hypnotique. C’est une déambulation agitée de soubresauts précis : Fortino déclenche la plus grande colère poétique pour mettre en pièces le destin tragique de cet établissement public abandonné depuis plusieurs années, et voué à devenir un hôtel international 5 étoiles. À l’acte de mort programmé de cette privatisation, Fortino oppose donc sa fougue créatrice qui passe à chaque instant par les relations incongrues que son corps entretient acrobatiquement avec l’espace et les objets. C’est aussi un ultime adieu à ce lieu et à la vanité post-politique de l’histoire. Joie pataphysique, désespoir rock, obscénité dérisoire.
La seconde vidéo (Les Paradis sauvages) a été faite en rejouant chaque scène d’Hôtel Dieu, mais cette fois Fortino est démasqué, dans une pluralité de lieux que rien ne relie logiquement. Chaque scène initiale a un double synchronisé, décentré. Secondarité où le masque est désormais celui de la répétition et de sa fiction. Parfois, dehors, il n’est plus seul – les autres, ne sont-ils pas pourtant des sortes de marionnettes qu’il traîne, qu’il rejette, qu’il invective, alors que gronde avec ostentation un corps qui fait signe, qui se montre, qui se met en scène avec défi pour approcher la rage et le secret du désir ? Le désir éclate partout, généreusement, par-delà les impossibles : qu’il s’agisse de l’amitié (André Fortino s’entoure souvent de nombreux comparses), de l’amour (extrait de la vidéo 866 Féroce : des hommes lancent des pierres sur un frigo pour démolir les sentiments “froids”), de la complicité avec son père (le rituel de la vidéo Traits d’union où ils se partagent des lignes de cocaïne), ou d’un projet en cours avec son frère.
Le dyptique présenté ici engloutit toutes les aberrations et frappe d’un geste un seul. Quel film est finalement la reprise, le commentaire, la prolongation de l’autre ? Les tortillages charnels les plus inventifs rebondissent d’un écran à l’autre. La tornade pataphysicienne et provocante propre à l’univers de Fortino se double ici d’un réseau d’émotions enfermées dans un cri muet, celui qui sourd par exemple lorsqu’il souffle au milieu de la neige sur un ponton hamlétien, de façon grotesque, dans ce cotillon, sans-gêne ou langue de belle-mère.
Paul-Emmanuel Odin