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  • Arina Essipowitsch, Maxime Chevallier
  • EQUINOXE
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    exposition en partenariat avec l’école supérieure d’art d’Aix-en-Provence et le 3bisf

    Arina Essipowitsch et Maxime Chevallier sont sortis de l’école supérieure d’art d’Aix en Provence avec le DNSEP 2014.

    L’équinoxe n’est qu’un moment éphémère. Entre la nuit et le jour, c’est un déséquilibre incessant. Bon sang, allons nous plus vers le jour ou vers la nuit?
    Ou vers d’étranges mélanges, d’étranges fictions du temps et de la lumière comme des arrangements pour emplir l’air?
    Chaque détail est pour l’un et l’autre des deux artistes de cette exposition tout le risque d’un atome qui viendrait équilibrer la lumière – et par là, saisir son obscurité.
    L’un, Maxime Chevalier est sculpteur, et c’est sa façon d’envisager le dessin, comme l’effet des effets de l’espace.
    L’autre, Arina Essipowitsch est plutôt photographe (elle est aussi peintre); elle ne cesse de faire tomber la distance des corps pour nous faire toucher la peau du temps.

    Entre eux deux, c’est le jour et la nuit, l’ordre et le désordre, l’immobilité contemplative et le mouvement ; mais on ne peut les assigner selon ces polarités qui en fait ne tiennent pas, et sont perpétuellement déboussolées. L’oxymore d’une éclipse est là aussi : la violence d’une rencontre entre des opposés, comme toute rencontre amoureuse.
    Dans ces deux œuvres, la solitude rayonne. Mais Arina et Maxime ont une vie commune, d’amitié, de vie. Ils tisseront alors autant de ficelles possibles entre leurs propositions, où surgira le fond commun de cette aventure, des entrecroisements.
    07_arina_essipowitsch_jeu de cartes + autoportrait

    Et d’abord celui-ci : Arina photographie Maxime, sous le kaléidoscope coloré des vitraux d’une église, ou lors d’une sieste qu’il fait dans la nature, près d’une falaise.
    Les portraits de ses amis et ses autoportraits sont souvent pris dans la peau des vitres et les taches des miroirs. Qui donc, sinon Francesca Woodman ou Nan Goldin, avait donné à l’image son poids d’affect, son ressort désirant, et d’inavouable fantasme de chambre où s’est fait l’amour ? Arina fait vibrer le dehors par la passion des corps dont elle exalte l’instant. L’intimité et la nudité sont la densité d’un temps sentimental fugace, toujours en devenir. Le biographème reste le point central et intraitable, qui pulvérise toute théorie.

    Dans les dessins ou les formes déployées de Maxime on ressent une sorte de stase. Il a une attirance pour des lieux comme les églises, pour leur calme. Il ne faudrait pas conclure à un mysticisme ou une tendance contemplative. Il y a des vibrations, des bougés, qu’un tel cadre permet de mieux ressentir, comme les secousses d’un chaos et d’un rythme secret au creux de la matière qu’il va retranscrire – pour s’effrayer ensuite, à en pleurer, des retranscriptions qu’il fait, et qui ont toute la dureté, la teneur et la terreur d’un savoir. Quel séisme de l’inconscient s’est écrit là? Et avec ces trombones souples qu’il vient de trouver, va-t-il tromboner les images d’Arina? tromboner l’équinoxe?

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    Tous deux ont le même rapport à l’habillage, qui passe par une multiplicité qui pourrait tenir d’Arlequin. Chacun de leur vêtement renvoie à une histoire différente (Maxime), ou à une époque différente (Arina). L’unité de l’être chère à l’ancienne philosophie est réduite à des lambeaux, qui sont autant de fragments vivants.
    Tous deux embarquent, avec cette exposition, dans le même voyage immobile, avec l’horizon d’un désir qui les travaille, de ce qui serait une résidence dans un train pour un long voyage, sur le transsibérien par exemple, où ils seraient comme Joan Fontaine et Louis Jourdan dans Lettre d’une inconnue de Max Ophüls.
    P.-E. Odin

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    Arina Essipowitsch vient de Biélorussie, et elle parle le russe, l’anglais, le français et l’allemand. C’est déjà un puzzle linguistique fabuleux, qui va être le soubassement d’autant de pièces en mouvement qui ne se raccordent toujours que fragmentairement, épousant le devenir et ses discontinuités avec la richesse de ce qui va vers -, de ce qui voyage dans chaque instant.
    Je suis sensible avant-tout à sa série d’autoportraits en noir et blanc, en format 6 X 6. J’y retrouve l’émotion la plus nue, une communication solitaire dans son ouverture intime. Le geste simple surgit sans détour, immédiatement médiat. Nous ébranle parce que, là, l’irréductible du familier est pris dans la peau des vitres ou des miroirs. Qui donc, sinon Francesca Woodman, avait ainsi délimité la clôture subjective, noué le ressort des désirs, d’inavouable fantasme de chambre où tant de fois s’est fait l’amour ?
    Aux côtés de ses autoportraits, portraits, noir et blanc, Arina aborde aussi la couleur. En peinture, en photographie, et en se promenant dans des espaces en ruines, des friches, des appartements abandonnés. Ses propres peintures sont mises en scène dans ses photographies. Ou bien c’est le pictural que les photographies de lieux font vibrer. Que la photographie soit peinture, certes ! Mais la peinture s’immisce aussi directement dans la photographie, comme un curieux supplément qui rompt l’unité du réel sur ses bords, ses angles intérieurs.
    Par ses jeux de mise en abîme, ce n’est pas tant la dimension baroque qui s’impose, même si certaines scènes qu’elle filme en vidéo dans ces lieux, comme d’étranges passages où ses gestes proposent une relecture des lieux, évoquent l’opéra. C’est toujours plutôt une certaine cascade de l’intime, qui déclenche invisiblement toutes les gammes de correspondances d’une féminité qui s’éprouvent dans sa chair, et dans la peau des lieux qu’elle vient hanter, spectre d’Alice jouant dans les ruines et avec la logique des rêves.

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    http://essipowitsch.tumblr.com/

     

    Maxime Chevallier

    Très peu d’objets suffiront à dresser dans le lieu sa tension de bois – sur la mince planche une inscription bien au-dessus de notre proportion s’élève au-dessus de nous comme un trait unaire dont cet arc de bois géant ne se veut pas la puissance, mais l’écho.
    Et ces miroirs par terre, ils semblent flotter dans l’air alors qu’eux-même ne sont plus transparence, mais empreinte de poudre opaque et bleue, c’est à dire encore le geste d’une mémoire qui n’est pas harmonie, mais intrigue, diversité dans l’unité, étrangeté sereine, radicale douceur, violence désintégrée. Faut-il tant de vide pour qu’un certain calme, une lenteur, c’est-à-dire le temps de la réflexion, et même, on pourrait dire de la méditation, soit possible ?
    Assurément. Mais autour du vide, chaque geste simple sera un séisme du blanc du jour. Complication qui dissimule plus qu’elle ne révèle.
    Et nous avons besoin de cette opacification pour sortir du discours qui recouvre tout le sensible, le sensible avec lequel nous aimerions parfois être un peu seuls. Comme ça, un ilôt agencé peut s’entrecroiser au-dessus du sol avec quelques plaques d’ardoise et quelques craies.
    Ou les dessins / traces ou gestes, trainées de couleurs, frottements, caresses et mouvements d’ailes.

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    http://maxime.chevallier.free.fr/

     

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