Un parcours en trois lieux
S’absenter
Exposition au Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur du 2 juillet au 30 octobre 2016, vernissage le 1 juillet
Verdures
Exposition au Château de Tarascon – Centre d’art René d’Anjou du 3 juillet au 30 octobre 2016, vernissage le 2 juillet
Iles
Exposition à l’Espace pour l’art, Arles du 3 juillet au 6 août 2016, vernissage le 2 juillet
Dans les œuvres de Françoise Pétrovitch, il y a des personnages, très jeunes, entre l’enfance et l’adolescence, il y a des animaux, il y a des oiseaux, beaucoup d’oiseaux, de petits oiseaux fragiles, morts ou blessés parfois, et des oiseaux puissants, surdimensionnés, au regard perçant, indifférent.
Les formats vont de petites peintures à de très grandes toiles, les lavis sur papier peuvent être aussi très grands. Il faut dire que l’échelle varie beaucoup, tout peut grandir magiquement ou se réduire tout à coup. Dans les sculptures en bronze, de menus enfants s’hybrident de formes animales gigantesques. Les céramiques, plus petites – des oiseaux morts, des gants vides – ont des formes indécises, comme abandonnées.
À la surface des peintures, tous les motifs sont en circulation fluide: ils traversent d’une oeuvre à l’autre, d’un médium à l’autre, d’un plan à un autre : les oiseaux, par exemple, passent devant, passent derrière, passent à travers les personnages, ou se perdent presque dans un tracé en filigrane. Parfois ces motifs en migration ne sont que d’opaques taches de peintures flottant devant les personnages. Dans une vidéo très liquide, le montage scandé des lavis se reflète en échos tremblés, troublés, comme à travers une larme. À l’oeuvre aussi, la fluidité, dans les choix et les décisions : l’artiste travaille avec la peinture à l’huile, avec le lavis, qui agissent selon leurs lois à la surface de la toile et du papier et lui proposent des métamorphoses.
Françoise Pétrovitch tente un équilibre labile entre la présence de la peinture, de l’encre, de la toile ou du papier, leurs matérialités certaines, et une forme d’absence que jouent les manques et les réserves blanches dans les lavis, les trouées et les enchevêtrements de formes qui délient, aèrent l’image peinte. Les jeunes personnages se dérobent dans une évasion intérieure, une fuite immobile. Leurs corps poreux sont criblés d’images mentales, de rêveries, la doublure de leurs paupières tatouée d’apparitions flottantes.
Leurs regards se détournent, s’absentent. Ils s’absentent et nous laissent leur corps, leurs vêtements bariolés qui les illustrent, leurs yeux clos ou perdus dans le vague, leurs mains vacantes, inoccupées. Ils se laissent faire, se laissent coiffer. Ils s’oublient dans leur cachette pendant que les autres les cherchent, se retirent derrière un masque, sous une géante tête animale. Ils ne jouent plus, sont fatigués de jouer, ou devenus trop grands pour ça. Chacun est une île.
Marie-Christine Gayffier